POLITIQUE

En RDC, Vital Kamerhe et Jean-Pierre Bemba entrent au gouvernement

Avec ce remaniement annoncé dans la nuit, Félix Tshisekedi s’assure du soutien de poids lourds de la scène politique en amont de l’élection présidentielle.

24 mars 2023 à 07:34

Par Stanis Bujakera Tshiamala – à Kinshasa

Mis à jour le 24 mars 2023 à 07:54

Vital Kamerhe, Félix Tshisekedi et Jean-Pierre Bemba. © Montage JA / Photos : Samy Ntumba Shambuyi pour JA ; Vincenzo Pinto/AP/SIPA ; Olivier Papegnies / Collectif Huma

La stratégie a le mérite de la clarté, même si elle a créé la surprise à Kinshasa : c’est un gouvernement qui doit permettre au président Félix Tshisekedi de se renforcer et de conserver le pouvoir à l’issue des élections générales prévues en décembre prochain.À LIREKamerhe, Bemba, Kabuya… Comment l’Union sacrée se structure avant la présidentielle

La composition de la nouvelle équipe, toujours dirigée par Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, a été rendue publique dans la nuit de jeudi à vendredi, après plusieurs semaines de suspense. Elle compte cinq vice-Premiers ministres, onze ministres d’État, une trentaine de ministres, un ministre délégué et une dizaine de vice-ministres.

Un coup de maître

Candidat déclaré à sa propre succession, Félix Tshisekedi réalise un coup de maître en parvenant à faire entrer au gouvernement des poids lourds de l’Union sacrée (la majorité présidentielle) dont il redoutait qu’ils ne deviennent, à plus ou moins brève échéance, des concurrents.À LIREEntre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, les bons offices de Jean Kaseya, patron d’Africa CDC

Ainsi, selon les ordonnances lues à la télévision nationale, Peter Kazadi, haut cadre de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, au pouvoir), a été nommé vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et de la Sécurité, poste auquel il remplace un autre cadre du parti présidentiel, Daniel Aselo.

Bemba fait son grand retour…

Autre entrée remarquée, celle de l’ancien vice-président congolais, Jean-Pierre Bemba, condamné en première instance par la Cour pénale internationale (CPI) à 18 ans de prison pour « crimes de guerre » et  » crimes contre l’humanité  » en Centrafrique, puis acquitté en 2018 après avoir passé dix années en prison. Il est nommé vice-Premier ministre et ministre en charge de la Défense nationale. C’est son premier poste ministériel depuis qu’il a été vice-président sous Joseph Kabila, à l’époque du gouvernement dit « 1+4 ».

Exclu de l’élection présidentielle de 2018 en raison d’une condamnation pour « subornation de témoins » par la CPI, Jean-Pierre Bemba avait alors soutenu la candidature de Martin Fayulu. Il se positionne aujourd’hui comme un allié de taille pour Félix Tshisekedi. À la Défense, c’est lui qui sera désormais chargé de trouver le moyen de rétablir la paix dans l’Est, et particulièrement dans le Nord-Kivu, province dont une grande partie est occupée par les rebelles du M23 soutenus, selon Kinshasa et l’ONU, par le Rwanda.À LIRERDC : Vital Kamerhe peut-il vraiment être l’allié de Félix Tshisekedi ?

Ex-directeur de cabinet de Félix Tshisekedi, débarrassé de sa condamnation pour corruption et détournement de fonds publics, Vital Kamerhe a, pour sa part, été nommé vice-Premier ministre, en charge de l’Économie nationale. « Il a une fois de plus privilégié l’intérêt collectif et non personnel », explique à Jeune Afrique un proche de l’ancien directeur de cabinet. À n’en pas douter, l’influence et la popularité dont Kamerhe jouit dans l’Est, ainsi que la nécessité de s’en faire un allié qui n’ira pas se porter candidat, a pesé dans la balance, à dix mois des élections.

« Tshisekedi leur donne des gages »

Un autre poids lourds signe également son retour aux affaires : Antipas Mbussa Nyamwisi a été nommé ministre d’État en charge de l’Intégration régionale. Il était ministre des Affaires étrangères sous la présidence de Joseph Kabila. « Félix Tshisekedi a fait le choix de donner des gages à tous les poids lourds de son camp, et de sécuriser ses alliances avant la présidentielle », résume une source à la présidence de la République.

Modeste Bahati Lukwebo au Sénat, Christophe Mboso à l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe et Jean-Pierre Bemba au gouvernement… Félix Tshisekedi est parvenu à proposer de jolis postes à tous les piliers de son camp, ou presque. « Il a voulu éviter d’entretenir une sorte d’incertitude. Avec ces nominations, il met Kamerhe, Bemba et même Bahati Lukwebo dans une situation où ils sont obligés d’apporter leur soutien à une seule candidature, la sienne », explique un analyste qui a requis l’anonymat.

Félix Tshisekedi a par ailleurs maintenu Christophe Lutundula aux Affaires étrangères, Patrick Muyaya à la Communication, Rose Mutombo à la Justice, Nicolas Kazadi aux Finances et Antoinette N’samba Kalambayi aux Mines.

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By Habari

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