POLITIQUE

En RDC, la spectaculaire remontada de Vital Kamerhe

C’est son ex-directeur de cabinet, condamné pour détournement de fonds puis acquitté, que Félix Tshisekedi a choisi de nommer vice-Premier ministre chargé de l’Économie. Un choix très politique, à dix mois des élections.

24 mars 2023 à 18:21

Par Stanis Bujakera Tshiamala – à Kinshasa

Mis à jour le 24 mars 2023 à 18:21

Vital Kamerhe à son domicile, à Kinshasa, le 19 octobre 2022. © Samy Ntumba Shambuyi pour JA

Comme le Real Madrid, son équipe de cœur, Vital Kamerhe vient de faire une spectaculaire remontada. En moins de trois ans, il aura été arrêté, condamné à vingt années de prison, puis aura vu sa peine réduite à treize ans avant d’être remis en liberté provisoire puis d’être de nouveau jugé en appel, et, cette fois, acquitté… Peu de trajectoires politiques ont connu autant de rebondissements dans un aussi bref laps de temps.À LIREEn RDC, Vital Kamerhe et Jean-Pierre Bemba entrent au gouvernement

C’est dans la nuit du jeudi 23 au vendredi 24 mars que Félix Tshisekedi, le chef de l’État, a dévoilé l’un des secrets les mieux gardés de la République en nommant Vital Kamerhe vice-Premier ministre, chargé de l’Économie nationale. Comment donc le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC) est-il parvenu à se replacer sur le devant de la scène ?

« Honnête et sérieux »

À la fin de juin 2021, alors qu’il était en déplacement à Goma, dans cet Est de la RDC qui a vu naître son ancien directeur de cabinet, Félix Tshisekedi avait prévenu : « Je persiste à croire que Vital Kamerhe est [une personnalité] honnête et sérieuse, dont la République a besoin grâce à son intelligence et à son expérience. Il a un rôle à jouer dans ce pays. Et il y jouera un rôle. »

À l’époque, la peine de prison de Kamerhe, reconnu coupable d’avoir détourné 50 millions de dollars destinés à la construction de maisons préfabriquées pour des militaires et des policiers, venait d’être réduite.

Habileté

Politicien madré, Kamerhe n’a cessé de clamer son innocence tout en prenant soin de ne jamais tenir le chef de l’État pour responsable de ses déboires judiciaires. Son parti a certes plusieurs fois dénoncé une manœuvre visant à « éliminer un potentiel candidat à la prochaine présidentielle », mais Kamerhe lui-même a choisi ses mots, ménageant son partenaire politique et se contentant de critiquer, parfois vertement auprès de ses visiteurs du soir, l’entourage du chef de l’État. Même durant son incarcération, il n’a pas davantage remis en cause son soutien à Félix Tshisekedi.À LIRERDC : qui a œuvré dans l’ombre à la « résurrection politique » de Vital Kamerhe ?

Ce n’est qu’après son acquittement que celui qui présida l’Assemblée nationale sous la présidence de Joseph Kabila s’est autorisé à manifester quelques ambitions tout en se disant disposé à « accompagner » le candidat Tshisekedi. Il a, un temps, lorgné le poste de Premier ministre et, selon nos informations, le président ne lui a pas dit non, lui demandant toutefois le temps de la réflexion. Il a finalement obtenu un poste de vice-Premier ministre.

Avec Jean-Pierre Bemba

L’annonce de cette nomination alors que l’intéressé se trouvait à Paris pour un court séjour privé a pris Kinshasa de court. Au sein même de son entourage, la surprise a été totale. D’autant que Kamerhe travaillait, ces derniers jours et alors que le remaniement se faisait attendre, à l’établissement d’une liste de membres de l’UNC susceptibles d’obtenir des maroquins.

Il avait, pour le compte de son parti, manifesté son intérêt pour le ministère de l’Économie, poste vacant depuis que, le 30 mars 2022, l’Assemblée nationale avait destitué Jean-Marie Kalumba (l’intérim était assuré par Nicolas Kazadi, qui, lui, vient d’être reconduit aux Finances).

Selon nos informations, les ultimes discussions et arbitrages ont eu lieu le week-end dernier, alors que le chef de l’État réfléchissait à la manière de contenter ses alliés et de neutraliser les ambitieux de son propre camp tout en évitant les défections et en maintenant Sama Lukonde Kyenge à la primature pour des raisons d’équilibre géopolitique.

C’est en début de semaine que Vital Kamerhe, après s’être entretenu avec Félix Tshisekedi et avec le Premier ministre, a donné son accord. Il a également discuté avec Jean-Pierre Bemba et Antipas Mbusa Nyamwisi (ces deux derniers font eux aussi leur entrée au gouvernement, respectivement au poste de vice-Premier ministre chargé de la Défense et de ministre d’État chargé de l’Intégration régionale).À LIRERDC : discret mais soulagé, Vital Kamerhe savoure

« Kamerhe voulait que Bemba soit au gouvernement, et inversement. Tous deux ont déjà joué un rôle dans ce pays, ils évolueront en duo », affirme un proche du patron de l’UNC. « Ce faisant, ils ont accepté de soutenir la candidature de Tshisekedi, regrette un opposant. Ils veulent se positionner pour avoir du poids au Parlement après l’élection présidentielle. »

Se refaire une santé politique

S’il veut un jour jouer les premiers rôles, Vital Kamerhe doit se refaire une santé politique, faire oublier aux Congolais ses déboires judiciaires et donner l’image d’un homme compétent. C’est parce qu’il mesure la difficulté de la tâche qui l’attend qu’il a accepté le portefeuille de l’Économie. « À la primature, il aurait eu du mal à se défaire des clichés et à asseoir sa légitimité », affirme une source au sein du gouvernement. Ni Félix Tshisekedi ni lui-même n’en seraient sortis gagnants. »

Il avait déjà rang de vice-Premier ministre lorsqu’il dirigeait le cabinet du président. Désormais, le voilà de nouveau vice-Premier ministre et, selon ses proches, « prêt à relever les défis ».

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By Habari

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