Chers compatriotes,
Nous nous proposons de partager notre opinion sur l’extrait ci-dessus d’un texte d’un de nos compatriotes, où il est question de l’action de Joseph Kabila à la tête du pays et du problème du leadership pour notre pays à l’approche du nouveau plébiscite en vue. Nous estimons qu’il est important d’échanger au sujet de ces deux éléments.
Nous demandons aux compatriotes de se libérer de la propagande fumeuse de diabolisation de Joseph Kabila par les occidentaux et d’ouvrir les yeux pour voir la réalité. Joseph Kabila avait été mis au sommet de l’Etat par les puissances occidentales mais dès qu’il a conclu un accord de projet de développement avec la Chine, il était devenu l’homme à abattre.
À notre avis, le bilan de Joseph Kabila est mitigé. En effet, ce bilan a été à la fois négatif, au regard de ses résultats sur les éléments de la gouvernance, et notamment la stabilité politique, mais par ailleurs positif pour ce qui concerne l’amélioration du niveau de développement humain.
Nous allons décrire : (1) le bilan négatif de Kabila à la tête de l’État ; (2) son bilan positif ; et (3) les relations entre l’intelligence et le leadership.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous ouvrons une parenthèse avec une remarque pour notre compatriote Valaka.
PARENTHÈSE
Cher compatriote, il y a quelques semaines, vous avez qualifié Lumumba de « voleur », parce que vous veniez d’apprendre qu’il avait été condamné pour détournement de fonds en 1956 par la justice coloniale. Pour vous, la sentence du jugement colonial contre Patrice Lumumba était juste ; et ce, malgré le contexte historique qui vous a été expliqué par les intervenants du CET. Or, vous pouviez vous poser la question de savoir comment Simon Kimbangu avait été condamné à mort pour un acte de terrorisme qu’il n’avait pas commis.
Par ailleurs, dans vos messages vous revenez continuellement sur les origines ethniques de ceux de vos compatriotes que vous n’aimez pas : vous vous concentrez sur ce qu’ils « sont », ce qui s’apparente à du racisme, plutôt que de critiquer ce qu’ils « font », c’est-à-dire leurs actions. Vous et vos amis brillez par des discours stériles de haine ethnique dans nos forums, alors que le pays court le risque d’une balkanisation. Joseph Kabila, Christopher Djuma, Dr. Édouard Nsimba ne seraient pas de vrais Congolais comme vous, mais des étrangers , Tutsis rwandais !
Même le Pape, lors de son passage à Kinshasa, a insisté auprès des Congolais pour abandonner le discours haineux afin de « sauver la maison » – dans un message similaire à celui du CET. Mais vous persistez dans cette tendance absurde consistant à vouloir la paix dans la maison commune… en y mettant le feu. Critiquez donc plutôt les actions des individus, c’est-à-dire leurs choix, au lieu de leur coller injustement des origines qu’ils n’ont pas choisies – peu importe qu’elles soient supposées ou réelles.
BILAN NÉGATIF DE KABILA SUR LA STABILITÉ POLITIQUE
À propos de Joseph Kabila, le qualificatif de « rwandais » que certains lui collent n’est pas un argument pour juger de son bilan à la présidence de la RDC.
Le tableau ci-après est tiré des données de la banque mondiale.

(cf https://info.worldbank.org/governance/wgi/Home/Reports)
On peut constater que, de 1996 à 2019, le niveau de stabilité politique de la RDC n’a pas atteint de seuil significatif : il n’a même pas atteint 10% du standard international et demeure loin à la traîne derrière d’autres pays africains.
Certes, le niveau de stabilité politique quasi nul hérité du régime Mobutu, et qui ne pouvait pas être amélioré avec la guerre de 1998-2001, peut aussi expliquer la difficulté du redressement. Mais cela n’explique que partiellement le problème, car l’Angola – qui avait connu aussi une période de bas niveau de stabilité avec la guerre civile jusqu’en 2000 – dépassa 20% du niveau standard après seulement 5 ans (voir le tableau ci-dessus).
Il faut donc conclure que, en plus des interventions étrangères (qui constituent aussi un facteur d’instabilité connu), la faible qualité des institutions demeure l’ingrédient principal de l’instabilité politique durant le régime Kabila. Comme les documents du CET l’ont déjà dit clairement, la construction d’institutions solides requiert de la part du leader la capacité de concevoir une vision et d’influencer des disciples pour la concrétisation de cette vision.
Or, que reste-t-il des institutions mises en place durant le régime de Joseph Kabila ? La transhumance politique a tout emporté. Les pouvoirs législatifs et judiciaires sont incapables d’arrêter les dérives de personnification du pouvoir et de pillages des ressources publiques. Nos déboires face au M23 constituent aussi une conséquence de la personnification du pouvoir. Après la Présidence de Felix Tshisekedi, il faudra tout refaire en ce qui concerne la mise en place des institutions pour assurer la stabilité politique de la RDC.
BILAN POSITIF DE KABILA CONCERNANT LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN
Depuis trois décennies, pour savoir si un État a connu des progrès ou des reculs sur le plan du développement, on recourt à une mesure composite appelée « Indice de développement humain » (IDH), dont les composantes sont le revenu par habitant, l’espérance de vie à la naissance et la durée moyenne de la scolarisation.
C’est sur base des indicateurs de développement que nous pouvons faire un jugement objectif sur les résultats du régime de Kabila sur le plan du développement humain. À titre de comparaison avec d’autres pays, nous avons rédigé le tableau ci-après à partir des données du PNUD.

Comme le montre le tableau ci-dessus des agrégats de l’IDH (……), le niveau de la RDC n’est pas très éloigné de celui des autres pays ; et ce, malgré sa faiblesse, principalement due à la destruction quasi totale de l’économie congolaise sous le régime Mobutu durant la période 1980-1996.
Le tableau ci-après montre les détails des composantes de l’IDH de la RDC durant la période mentionnée.

Comme le montre le tableau ci-après établi par le PNUD, de 2000 à 2019, il y a eu une augmentation de l’espérance de vie (+11,6 années), de la durée moyenne de la scolarisation (+4,5 années) et du revenu annuel par habitant (de 744 dollars à 1066 dollars). Et ceci s’est traduit par une hausse de 30% de l’IDH, passant de 0,349 à 0,480. Toutefois, cet IDH est faible et, depuis 2019, il dégringole, pour la première fois en vingt ans ! Très peu de pays africains avaient enregistré une hausse de performance comparable à celle réalisée par le régime Kabila en ce qui concerne l’IDH. Toutefois, notre IDH demeure très bas par rapport aux autres pays, parce que l’économie congolaise s’était totalement écroulée notamment sous Mobutu durant les années 1980-1990 [ RNB par habitant passant de $1.695 à $740.00 en une décennie !]
À PROPOS DE L’INTELLIGENCE ET DU LEADERSHIP
Après lecture des interventions des personnes citées par vous, nous constatons une fois de plus qu’il aurait fallu un peu plus d’efforts de leur part pour maîtriser certains concepts de base pour lesquels on voudrait commencer un débat.
Certes, il n’est pas demandé à chacun d’avoir une formation en gestion pour débattre du problème de leadership, mais on peut toujours s’informer en consultant, ne serait-ce que des documents en ligne. Nous ne devrions pas essayer de réinventer des concepts tels que celui du rôle de l’intelligence dans le leadership. Vouloir opposer l’intelligence du leader aux valeurs morales de la société dénote tout simplement une regrettable confusion. Toutefois, Il faut reconnaitre que la théorie de Leadership a évolué rapidement depuis la deuxième moitié du 20e siècle.
Depuis des décennies les théories du leadership nous enseignent que certains traits sont systématiquement associés au leadership, tels que l’intelligence. Parler de l’intelligence d’une personne consiste à évoquer sa capacité de porter un jugement rapide et raisonnable face à un problème. Porter un jugement requiert un certain degré de savoir ; la source du savoir pouvant être formelle (institutions de formation…) et informelle (autodidaxie, expérience dans la société, morale, etc.).
Les théories modernes nous disent que l’intelligence d’un leader consiste principalement en plusieurs composantes : l’intellect (capacité de raisonner, de planifier, de résoudre des problèmes, de penser de manière abstraite, de comprendre des idées complexes), l’émotionnel (capacité d’identifier, d’évaluer et de contrôler les émotions – de soi-même, celles des autres et des groupes) et la morale. L’intelligence morale est la capacité de comprendre le bien du mal et de se comporter en fonction de la valeur que l’on croit être juste (« le bien »).
C’est notamment la combinaison de ces trois composantes d’intelligence qui fait qu’une personne est considérée potentiellement comme plus capable de réussir en matière de leadership par rapport à d’autres. Cela dépend aussi de la situation [cf situationnel théorie of leadership].
Toutefois, l’intelligence intellectuelle demeure le facteur dominant pour un leadership dans une situation exigeant la transformation organisationnelle [ comme c’est le cas pour notre pays].
En effet, dans la situation actuelle de notre pays, l’efficacité du leadership pour la prise rapide des décisions dans la bonne direction nécessite du leader de grandes capacités cognitives, pour regrouper un grand volume d’information, l’intégrer et savoir l’interpréter correctement avant la prise de décision ; et ce même si on a des conseillers.
Dès lors, quand on engage un enseignant, on ne commence pas par examiner son casier judiciaire, mais son niveau de connaissance – sans oublier le casier judiciaire, toutefois.
CONCLUSION
Lorsqu’on affirme quelque chose, il faut le démontrer. Sinon l’on en arrive vite à affirmer que la Terre est plate, juste parce que cela nous arrangé. Pendant ce temps, on n’aura pas fait avancer le débat… mais la Terre aura bel et bien continué de tourner, qu’on le veuille ou non.
Dr. Nyembo Kitenge
Membre du CET