En RDC, la tension monte entre pouvoir et opposition
Le président Tshisekedi accuse l’opposition de travailler pour empêcher la tenue de la présidentielle en décembre, alors que la classe politique craint un « hold-up électoral ».
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La scène qui se déroule sur le tarmac de l’aéroport de Ndjili à Kinshasa, mardi 30 mai, a tout d’inhabituelle. Alors que le candidat à la présidentielle de décembre, Moïse Katumbi, est en train d’embarquer à bord d’un vol pour Lubumbashi, la capitale de la province du Katanga, son conseiller spécial Salomon Idi Della est interpellé sans ménagement par des forces de l’ordre vêtues de noir et contraint de monter à bord d’un 4×4.
« Après un mois passé à Kinshasa, ils étaient une dizaine à accompagner Moïse Katumbi à Lubumbashi, mais seul M. Salomon a été arrêté. Depuis plusieurs jours, on craignait des arrestations de membres de l’opposition, mais nous ne savons pas ce qu’on nous reproche », explique Olivier Kamitatu, le porte-parole du président d’Ensemble pour la République, joint par Le Monde. L’ancien gouverneur du Katanga a aussitôt dénoncé une arrestation « arbitraire et illégale », sommant « les autorités » de « s’expliquer et de le libérer ».
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L’indignation de Moïse Katumbi a aussitôt été suivie de celles d’autres membres de l’opposition congolaise. « La démocratie est morte », s’est exclamé l’ancien premier ministre Matata Ponyo Mapon, également candidat déclaré à la prochaine présidentielle. Alors que le scrutin est prévu dans sept mois, ces prétendants font désormais front commun face au pouvoir du président Félix Tshisekedi. Et, à tour de rôle, dénoncent leurs déconvenues.
« Intimidation »
Quatre jours avant l’épisode de l’aéroport, M. Mapon s’était plaint d’être interdit d’entrer dans Kikwit (à l’est de Kinshasa), parlant d’« intimidation » – il a finalement pu y tenir son meeting. Juste avant, c’est Moïse Katumbi qui se voyait empêché de se rendre dans la province du Kongo-Central. Pendant plusieurs heures, la police avait barré les routes du cortège de l’ancien gouverneur, bloquant le trafic routier et contraignant finalement la délégation politique à rebrousser chemin. L’entourage du gouverneur du Kongo-Central, Guy Bandu, a expliqué cette décision par les conditions sécuritaires, qui ne permettent pas selon lui de tenir des manifestations politiques de grande ampleur.
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La tension entre le pouvoir de M. Tshisekedi et l’opposition est montée d’un cran ces dernières semaines. Le 24 mai, un sit-in de protestation devant la Commission électorale a été dispersé sans ménagement quand, quatre jours plus tôt, une manifestation avait été sévèrement réprimée. Les images d’un enfant de 12 ans subissant lors du défilé ce jour-là des coups de pied, des coups de bâton et des gifles de la part de policiers ont fait scandale.
L’Union européenne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni… mais aussi la puissante conférence épiscopale ont condamné l’usage excessif de la force de la part de la police face aux manifestants du 20 mai. Jamais Félix Tshisekedi n’avait suscité pareilles réprobations depuis son arrivée avoir début 2019.
Chercher le chaos ?
Faisant la tournée des hôpitaux pour s’enquérir de l’état de santé des blessés, le président a reconnu « des excès » qu’il impute à la police et au régime précédent, dirigé par Joseph Kabila. « Vous devez aussi comprendre que nous avons une police qui, pendant dix-huit ans, a été vidée de sa substance. On recrutait des jeunes gens qu’on habillait en uniforme, mais sans formation, sans rien. Ils étaient envoyés au casse-pipe pour faire des victimes et terroriser la population », a-t-il expliqué. Selon Félix Tshisekedi, l’opposition a elle-même une part de responsabilité : « Cette police, pas très au fait, a été poussée à bout par une meute des gens qui ont été embrigadés, payés et peut-être drogués pour provoquer et agresser les policiers. »
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Depuis la Chine, où il effectuait une visite d’Etat du 23 au 29 mai, Félix Tshisekedi a accusé l’opposition de travailler pour empêcher la tenue des élections, alors que la classe politique craint un « glissement » du calendrier : « Je ne sais pas finalement ce qu’elle [l’opposition] veut. Elle a dénoncé la Commission électorale et la Cour constitutionnelle. Finalement, elle a rejoint le processus [électoral]. (…) On ne sait pas ce qu’on veut. »
Il a même accusé l’opposition de chercher le chaos : « Cela rejoint exactement les mêmes velléités de cet horrible voisin [le Rwanda] qui veut déstabiliser la RDC dans l’est du pays. Ils veulent maintenant emmener des foyers de tension au cœur de Kinshasa tout en comptant aussi une ébullition du côté du Katanga. Nous sommes au courant de tout ça. Et nous allons nous défendre bec et ongles. »