POLITIQUE

Présidentielle en RDC : y aller ou pas ? Le dilemme de l’opposition

Si Moïse Katumbi a annoncé son intention de se porter candidat face à Félix Tshisekedi, Joseph Kabila a déjà fait part de sa volonté de boycotter l’élection, tandis que Martin Fayulu et Denis Mukwege hésitent encore.

14 septembre 2023 à 19:19

Par Socrate Nsimba

Mis à jour le 14 septembre 2023 à 20:26

De gauche à droite : Delly Sesanga, Matata Ponyo Mapon, Moïse Katumbi, Martin Fayulu. © Montage JA : Vincent Fournier/JA; Laurie Dieffembacq/BELGA/AFP; Arsene Piana pour JA

Samedi 9 septembre, au QG de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), les agents du bureau de réception et de traitement des candidatures ont reçu les premiers dossiers pour la présidentielle du 20 décembre.À LIREEn RDC, Jean-Marc Kabund condamné à sept ans de prison

Premier à officialiser son ambition : l’ancien Premier ministre de Joseph Kabila, Matata Ponyo Mapon, accompagné pour l’occasion d’une cohorte de membres de son parti, Leadership et gouvernance pour le développement (LGD). Cinq jours auparavant, il comparaissait devant les juges de la Cour constitutionnelle, qui l’accusent de détournement de fonds dans la gestion du projet Bukanga-Lonzo et dans la construction du marché international de Kinshasa.

Matata Ponyo Mapon hué

Ce fut ensuite au tour de Constant Mutamba, ancien du Front commun pour le Congo (FCC, la coalition de Joseph Kabila) et désormais président de la Dynamique progressiste de l’opposition (Dypro). Cet homme de 35 ans, qui dit vouloir rompre avec la vieille garde, paraît davantage vouloir en découdre avec les autres candidats de l’opposition qu’avec le président Félix Tshisekedi, candidat à sa propre succession, le 20 décembre prochain. Ses militants n’ont d’ailleurs pas hésité à huer Matata Ponyo Mapon à sa sortie de la Ceni.

Lundi 11 septembre, c’est Rex Kazadi, connu surtout au sein de la diaspora congolaise en Europe et parmi les « combattants », qui a déposé sa candidature. Autrefois opposé à Joseph Kabila, il est très offensif à l’égard de ceux qui appellent au boycott du scrutin. « Ceux qui ne veulent pas jouer le jeu démocratique en boycottant les élections, ils sont libres », a-t-il lancé.À LIREPrésidentielle en RDC : Matata Ponyo Mapon trace sa route… malgré les doutes

Parmi eux, Joseph Kabila qui a dénoncé en juin dernier, devant des cadres de sa famille politique qu’il recevait dans sa ferme de Kingakati, un processus « frauduleux et chaotique ». L’ancien président de la République a déjà appelé au boycott des opérations d’enregistrement des électeurs, faute d’avoir obtenu des changements dans la composition de la Ceni et au sein de la Cour constitutionnelle, qu’il soupçonne de partialité. Celui qui a régné sur la RDC durant dix-huit ans sait mieux que quiconque le rôle crucial que jouent ces deux organes dans le verdict électoral. C’est pour cela qu’il en a appelé à « la dignité » du reste de l’opposition, exhortant ses membres à ne pas s’engager dans des élections qui « embraseront » le pays.

Fayulu candidat ?

« Les vrais opposants, ce sont le FCC de Joseph Kabila et la coalition Lamuka de Martin Fayulu. Les autres veulent crédibiliser ces élections », affirme Ferdinand Kambere, le secrétaire permanent du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, membre du FCC).

Si Ferdinand Kambere cite Martin Fayulu, c’est parce que lui aussi s’est jusqu’à présent mis en retrait du processus, réclamant un nouvel audit du fichier électoral. Candidat malheureux à la présidentielle de 2018 face à Félix Tshisekedi, il a – en partie – mis sa menace a exécution en ne présentant pas de listes aux législatives, aux provinciales et aux municipales qui sont elles aussi organisées le 20 décembre. Mais, selon nos informations, il n’a pas renoncé à briguer la magistrature suprême.À LIREEn RDC, l’opposition et la Ceni peuvent-elles trouver un compromis ?

Pourrait-il le faire sans se renier ? À défaut d’un nouvel audit du fichier électoral (la Ceni l’a en effet refusé), le président du parti Engagement pour la citoyenneté et le développement (ECiDé) pourrait accepter de participer à un scrutin qui se déroulerait sous la surveillance d’une mission d’observation des Églises catholique et protestante, selon une source interne. Il mise aussi sur la possible présence des observateurs de l’Union européenne, absents lors de deux dernières élections générales.

Dissensions internes

Mais en interne, la décision de boycotter les scrutins locaux a fait des dégâts. Deux de ses députés – Ado Ndombasi et Jean-Bosco Mambo Katunda – ont d’ailleurs claqué la porte d’ECiDé et présenté leur candidature sur la liste de l’Alliance des Congolais pour la refondation de la nation (ACRN), un regroupement politique pro-Denis Mukwege.

Recalé par la Ceni pour non-respect du seuil de représentativité pour les législatives (seuil fixé à 290 candidats), ce regroupement a été repêché par la Cour constitutionnelle le 30 août et voudrait faire du prix Nobel de la paix son candidat à la présidentielle. Denis Mukwege ne s’est toutefois pas prononcé sur la question, espérant au préalable des garanties en matière d’organisation des élections. Et en attendant, il ne rate pas une occasion de critiquer le pouvoir en place.À LIRETshisekedi rouvre les rues autour de la résidence de Kabila

Contrairement à Joseph Kabila et Martin Fayulu, Moïse Katumbi veut lui aller jusqu’au bout, malgré ses doutes sur la crédibilité du processus. Forcé à l’exil en raison de poursuites judiciaires sous la précédente administration, empêché de se présenter en 2018, il sait que la politique de la chaise vide ne paiera pas face à Félix Tshisekedi.

« Aux tricheurs et aux fraudeurs, nous ne céderons rien ! Nous ne sommes pas naïfs. Nous les affronterons tête haute ! Ensemble pour la République et ses alliés présenteront des listes à tous les niveaux. Jusqu’au bout nous lutterons pour des élections démocratiques et inclusives, et nous vaincrons ! », a prévenu sur X (anciennement Twitter) son porte-parole, Olivier Kamitatu.À LIREEn RDC, Adolphe Muzito joue gros

Une approche que partagent Delly Sesanga et Adolphe Muzito, qui préparent également leur candidature. Muzito, qui disait refuser de s’accommoder du fait que les élections ne puissent pas se tenir dans les territoires de Rutshuru, de Masisi (Nord-Kivu) et de Kwamouth (Maï-Ndombe), en proie à la violence, semble avoir désormais fait le deuil de cette revendication.

À trois mois des élections, ces divergences d’approche doivent-elles inquiéter l’opposition ? Dans une présidentielle à un seul tour, les opposants savent qu’ils auraient tout intérêt à faire bloc autour d’une candidature commune pour faire face au président sortant.

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