TANANARIVE ET COQUILHATVILLE :
Les conférences de Tananarive et de Coquilhatville en 1961 n’avaient pas connu la participation des Lumumbistes.
Le 21 février 1961, quelques jours après l’annonce de l’assassinat de Lumumba, une résolution fut adoptée au Conseil de sécurité, demandant le retrait et l’évacuation immédiats des forces belges et des mercenaires, ainsi que de tous les conseillers militaires et civils du Congo. Cette résolution venait poser une menace existentielle aux sécessionnistes et au régime fantoche de Léopoldville, car les forces de l’armée nationale congolaise de Victor Lundula avaient prouvé leurs capacités. Selon l’article « …………………………… » publié dans Chronique de Politique étrangère DU(15/04/61) les troupes de Stanleyville étaient capables de conquérir complètement et rapidement le pays dans l’absence des troupes étrangères aux côtés de forces de Léopoldville, d’Eville et Bakwanga. « À la fin du mois de février 1961, des colonnes de soldats, venant de Stanleyville, se trouvaient à Manono, tandis que d’autres, après avoir traversé Luluabourg, avançaient sur Port-Francqui, mettant ainsi dangereusement en péril la stabilité des régimes d’Élisabethville et de Léopoldville. »
La Conférence de Tananarive tenue du 08 au 14 mars 1961 constituait ainsi une réponse hâtive des pays occidentaux (plus précisément la France et la Belgique) pour sceller le sort du Congo avant que les forces congolaises lumumbistes ne libèrent Élisabethville et Léopoldville. Ci-dessous, les résolutions phares de la conférence de Tananarive :
Résolution #1, relative à la création et à la reconnaissance des États, qui stipulait que les États déjà existants représentés à la Conférence étaient reconnus et que leurs autorités de droit ou de fait poursuivraient leurs tâches. Des nouveaux États seraient créés suivant des critères à déterminer ultérieurement.
La résolution #3 concernait la dissolution de la République du Congo par les « autorités de fait du territoire de l’ex-Congo belge » et son remplacement par une confédération d’États souverains représentés à l’international par le président de la Confédération.
Résolution #5, relative aux relations avec l’ONU. Après avoir examiné le problème des relations avec l’Organisation des Nations Unies, les autorités présentes de la confédération rejetaient « les résolutions du 21 février 1961 du Conseil de Sécurité qui violent les principes de la Charte et portent atteinte à la souveraineté de la Confédération ».
Mais dès l’annonce des conclusions de la Conférence de Tananarive le 9 mars 1961, de vives réactions éclatèrent au siège de l’ONU à New York, où Kwame N’hrumah fit remarquer que l’ONU ne pouvait pas assister passivement à la liquidation d’un État. Thomas Kanza, représentant du gouvernement de Stanleyville, agissant par le biais d’Eleanor Roosevelt, et les représentants du bloc de Casablanca (groupe des pays africains dirigés par des leaders progressistes et panafricanistes, notamment le roi Mohamed du Maroc, les présidents Nasser, Sekou Touré, Modibo Keita du Mali – à ne pas confondre avec le groupe de Moronvia), appuyés par les pays non alignés, notamment l’Inde de Nerhu, acculèrent les Etats-Unis à se distancier des accords de Tananarive. M. Justin Bomboko, ministre des Affaires étrangères de Léopoldville, fit lui-même part de ses réserves concernant ces accords de Tananarive.
Sous la pression américaine, le 17 avril 1961, les autorités de Léopoldville renouèrent leurs négociations avec l’ONU sur l’applicabilité de la résolution du 21 février 1961. MM. Kasavubu et Bomboko signèrent un accord avec les représentants des Nations Unies, Nwokedi (Nigeria) et Gardiner (Ghana), convenant qu’en attendant l’adoption d’une nouvelle constitution pour le Congo, « le pouvoir central seul avait le soin d’examiner les problèmes de retrait et d’évacuation des conseillers étrangers indésirables. Il restait aux pouvoirs provinciaux à soumettre à l’approbation du Chef de l’État les engagements de personnes qui n’auraient pas été recrutées par la voie normale. » Joseph Kasavubu obtenait ainsi un levier, qu’il pouvait exercer notamment contre Tshombe, qui l’avait humilié à Tananarive.
La Conférence de Coquilhatville s’ouvrait donc par de nouvelles tensions entre le pouvoir de Léopoldville et les autorités sécessionnistes du Katanga. D’une part, Kasavubu venait avec sa constitution fédéraliste plutôt que confédéraliste, et, d’autre part, Tshombe, ayant jugé l’accord passé entre Kasavubu et l’ONU comme une trahison, exigeait sa répudiation avant de continuer les discussions. Ce fut l’impasse du 24 au 25 avril 1961. Mais dès le 26 avril, la plupart des participants adhérèrent cette fois à la thèse fédéraliste, rejetant le projet de confédération de Tananarive ; et ce, à l’exception de deux dirigeants des États sécessionnistes : Tshombe et Kalonji.
Le lendemain, Tshombe et son ministre Kaimba décidèrent de rentrer à Élisabethville. Mais les militaires congolais qui gardaient l’aéroport les arrêtèrent. Deux jours plus tard, les politiciens de Léopoldville, notamment Bomboko, se solidarisèrent avec les mutins pour déclarer que Tshombe devait être condamné pour trahison. Le 22 juin 1961, les prisonniers seront relâchés sur décision de Kasavubu et Mobutu, en l’absence de tout jugement.