Réconcilier Félix Tshisekedi et Paul Kagame, la mission impossible de João Lourenço

La médiation angolaise tente toujours d’organiser un tête-à-tête entre les deux chefs d’État ennemis, mais les conditions posées par Kinshasa en matière de retrait des troupes rwandaises et de cantonnement des rebelles du M23 demeurent un point d’achoppement.

Paul Kagame, Joao Lourenço et Félix Tshisekedi réunis à Luanda. © Jorge NSIMBA / AFP
Paul Kagame, Joao Lourenço et Félix Tshisekedi réunis à Luanda. © Jorge NSIMBA / AFP

Publié le 28 mars 2024Lecture : 3 minute

Rarement médiation sous-régionale aura paru aussi compliquée. Alors que les rebelles du M23 campent aux portes de Goma, dans l’est de la RDC, l’Angola de João Lourenço continue de chercher une issue diplomatique à une situation à première vue i

Plan de neutralisation des FDLR

Le 21 mars dernier, les ministres des Affaires étrangères de la RDC et du Rwanda, qui est accusé d’apporter son soutien à la rébellion, se sont retrouvés à Luanda. Dans le document final rédigé à l’issue de cette réunion, la partie congolaise s’est engagée « à présenter un plan de neutralisation » des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), composées à l’origine d’anciens génocidaires rwandais et avec lesquelles Kigali accuse l’armée congolaise de collaborer. Le Rwanda a clairement dit qu’il y voyait une menace pour sa sécurité.

De son côté, la partie rwandaise s’est engagée à « revoir les mesures et le dispositif pris pour assurer sa défense et sa sécurité ». Cette tournure diplomatique est-elle une manière pour Kigali de reconnaître la présence de ses troupes dans le sol congolais (présence longtemps démentie par le Rwanda mais dont attestent les différents rapports des experts des Nations unies) ? Sans doute aurait-on tort de croire à la possibilité d’une sortie de crise rapide.

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Félix Tshisekedi et Paul Kagame ne semblent en tout cas pas prêts de trouver un terrain d’entente, car quand le président congolais dit faire du retrait des troupes rwandaises et du cantonnement des combattants du M23 la condition sine qua non à tout dialogue, son homologue rwandais lui répond que « commencer la discussion en posant des conditions, ce n’est pas la meilleure manière de procéder ». « Parfois, certains souhaitent épater la galerie et prendre des positions dans les médias, ce qui ne fait que rendre le problème plus confus », a-t-il ajouté dans une interview accordée à Jeune Afrique.

« Si l’armée rwandaise ne se retire pas, on va continuer la guerre »

Et tandis que Kigali plaide pour un « cessez-le-feu supervisé entre les FARDC [les forces armées congolaises] et le M23, accompagné d’un processus de désengagement des forces », Kinshasa répond : « Si l’armée rwandaise ne se retire pas, on va continuer la guerre, c’est clair ». Les mots sont ceux qu’a prononcés le ministre congolais des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, lors d’une conférence de presse organisée ce lundi 25 mars.

Ces derniers mois, la RDC a pourtant peiné à marquer des points sur le front militaire. Les rebelles, un temps mis en difficulté fin 2023 grâce notamment à l’acquisition de trois drones chinois par l’armée congolaise et par le recrutement de jeunes volontaires issus des groupes armés locaux, ont repris de l’avance sur le terrain. Ces derniers jours encore, les affrontements se sont concentrés sur la ville de Sake, verrou stratégique avant Goma.

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Pour renverser le rapport de force sur le terrain, la RDC compte sur le déploiement de la SAMIDRC, la force militaire de la Communauté de développement d’Afrique australe. Or, celle déployée précédemment par la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) n’y était pas parvenue et avait été accusée d’inaction par les autorités congolaises, qui ont refusé de renouveler son mandat. Les hommes de la SAMIRDC feront-ils la différence ? Leur nombre est estimé à 5 000 et il s’agit pour l’essentiel de soldats tanzaniens, malawites et sud-africains.

Autour d’une même table ?

Cette intervention militaire de la SADC a été très mal perçue par Kigali. S’exprimant toujours dans les colonnes de Jeune Afrique, Paul Kagame a accusé Félix Tshisekedi de « manipuler des régions entières, en jouant la SADC contre l’EAC ».

Difficile, dans ces conditions, d’imaginer que le président angolais pourrait à court terme réunir les deux chefs d’État autour d’une même table, et ce même si le ministre angolais des Affaires étrangères, Téte António, a affirmé qu’ils en avaient accepté le principe.

Le 16 février à Addis-Abeba en marge du sommet des chefs d’État de l’Union africaine (UA), João Lourenço avait échoué à organiser des discussions directes et constructives entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Il avait dû se résoudre à les recevoir séparément, dans la capitale éthiopienne d’abord puis à Luanda, d’abord le président congolais le 27 février, puis son homologue rwandais le 11 mars.

Malgré l’échec de sa force et du processus de Nairobi, entamé concomitamment avec celui de Luanda, l’EAC n’a pas renoncé à se montrer utile dans la résolution de ce conflit. Son président en exercice, le Sud-Soudanais Salva Kiir, s’est entretenu lundi à Kinshasa avec Félix Tshisekedi. Au cours de cette rencontre, il a insisté sur l’urgence de relancer le processus de paix.

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