Présidentielle en RDC : Samy Badibanga « éligible », mais sa nationalité fait toujours débat

RÉSERVÉ AUX ABONNÉS | 04 septembre 2018 à 19h17 | Par Trésor Kibangula

La Cour constitutionnelle de la RDC a validé lundi la candidature de l’ancien Premier ministre Samy Badibanga à la présidentielle. Mais la polémique autour du recouvrement de sa nationalité congolaise est loin de s’estomper.

Samy Badibanga a finalement été repêché. Quelque dix jours après l’invalidation de sa candidature par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), l’ancien Premier ministre a été déclaré, lundi 3 septembre, « éligible » par les juges constitutionnels. Son nom pourra ainsi être repris sur la liste définitive des candidats à la présidentielle en RDC, attendue au plus tard le 19 septembre.

Lors de l’audience publique du 31 août devant la Cour constitutionnelle, les experts de la Ceni ont pourtant maintenu qu’ « au moment du dépôt de sa candidature, Samy Badibanga n’avait pas la nationalité congolaise d’origine », celle-ci ne pouvant se détenir concurremment avec une autre.

Nommé Premier ministre le 17 novembre 2016 alors qu’il était encore un citoyen belge, l’élu de Mont-Amba, dans le sud-est de Kinshasa, aurait recouvré, huit jours plus tard, sa nationalité congolaise d’origine « après renonciation de sa nationalité belge pour des raisons de convenance personnelle », selon un arrêté d’Alexis Thambwe-Mwamba, ministre congolais de la Justice.

Bemba, Badibanga, des arrêts « à la tête du client » ?

Mais au moment de la publication de cette décision du garde des Sceaux congolais, la renonciation de la nationalité belge de Samy Badibanga n’était pas encore effective. Comme en témoigne un extrait du moniteur belge largement relayé ce mardi 4 septembre sur les réseaux sociaux. Le document renseigne en effet que l’ancien Premier ministre congolais n’est plus belge depuis… le 3 août 2018.

Et la polémique de reprendre de plus belle. « Retenir la candidature de Samy Badibanga dans ces conditions, alors que celle de Jean-Pierre Bemba a été invalidée, confirme que la Cour constitutionnelle rend ses arrêts à la tête du client », peste un leader de l’opposition, exclu du scrutin présidentiel du 23 décembre.

Abondant dans le même sens, le député Delly Sesanga, secrétaire général d’Ensemble pour le changement, plateforme soutenant la candidature de l’opposant en exil Moïse Katumbi, dénonce sur Twitter « l’arbitraire de la tolérance du régime qui s’accommode des uns et lance la fatwa à d’autres ».

CE PROCESSUS ÉLECTORAL RISQUE DE FINIR PAR UNE CRISE GRAVE », SELON FRED BAUMA

« Le cas de Samy Badibanga est une preuve, s’il en fallait une, que tout le débat sur la nationalité n’a pour but que d’écarter les candidats gênants », estime de son côté Fred Bauma, l’une des figures du mouvement citoyen Lucha (Lutte pour le changement). « Le fait de valider sa candidature ne change rien au fait que la Ceni et, à présent, la justice sont actuellement au service du pouvoir pour créer un couloir pour [l’élection] d’Emmanuel Ramazani Shadary », le dauphin désigné du chef de l’État, poursuit le militant prodémocratie.

Pour lui, « ce processus électoral va finir par une crise grave si on ne remet pas les choses dans l’ordre dès maintenant ». Fred Bauma invite le ministre de la Justice à « expliquer sur quelle base il a permis à Samy Badibanga de recouvrer sa nationalité congolaise » et « le président de la République à dire pourquoi il a nommé, à l’époque, un “étranger” à la tête du gouvernement ».

LA CENI N’AVAIT PAS COMPRIS », SELON ME GEORGES KAPIAMBA

Dans le camp de Samy Badibanga, l’on préfère « laisser les gens refaire le procès sur les réseaux sociaux ». Après la validation de sa candidature par la Cour constitutionnelle, l’ancien Premier ministre « ne souhaite pas commenter » la nouvelle polémique. « La loi belge est claire : on ne prend jamais acte d’une renonciation de la nationalité belge tant que le requérant n’a pas prouvé qu’il détient une autre nationalité », explique un membre de son entourage.

À l’en croire, c’est « depuis avril 2016 » que Samy Badibanga avait entamé les démarches en vue de la renonciation de sa nationalité belge. « Des preuves, y compris plusieurs lettres qu’il avait adressées aux services de l’état-civil en Belgique, ont été produites devant la Cour constitutionnelle », confirme son avocat, Me Georges Kapiamba. Selon lui, « la date du 3 août 2018 retenue comme celle de la renonciation de la nationalité belge fait partie d’une procédure normale : il fallait d’abord démontrer aux autorités belges que Samy Badibanga avait bien recouvré sa nationalité congolaise d’origine ».

« Un Congolais qui acquiert une nationalité étrangère perd automatiquement sa nationalité congolaise. À l’inverse, si cette personne devenue étrangère opte de nouveau pour la nationalité congolaise, elle perd automatiquement la nationalité étrangère d’acquisition », théorise-t-on dans l’entourage de l’ancien Premier ministre. « C’est ce que la Ceni n’avait pas compris », conclut Me Georges Kapiamba.

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