Occupation, impopularité :le pouvoir congolais se bat sur deux fronts

la RDC affronte une guerre à l’est qui est loin d’être gagnée, mais les mois à venir vont être consacrés à une campagne électorale au cours de laquelle tous les coups seront permis. Article réservé aux abonnés

Colette Braeckman

Journaliste au service MondePar Colette BraeckmanPublié le 21/12/2022 à 00:00 Temps de lecture: 4 min

L’occupation d’une partie du Nord-Kivu par les rebelles du M23 mobilise toujours l’opinion congolaise et les autorités de Kinshasa mettent l’accent sur les efforts déployés sur le plan diplomatique. Avec des succès mitigés : lors du sommet Etats-Unis – Afrique, le secrétaire d’Etat, Anthony Blinken, a une nouvelle fois « invité » le Rwanda à user de son influence pour presser le M23 de se retirer des zones occupées et ses interlocuteurs rwandais ont de leur côté, comme d’ordinaire, nié toute intervention aux côtés des rebelles. C’est ce qui s’appelle, de part et d’autre, la langue de bois et si les Etats-Unis ont présenté leurs condoléances au président Tshisekedi à la suite des inondations qui ont fait 140 morts à Kinshasa, emporté des rues entières et coupé la route Kinshasa-Matadi, chacun sait parfaitement que, au moins autant que les aléas climatiques, l’incurie des pouvoirs publics est responsable du désastre. En effet, les constructions anarchiques se sont multipliées dans cette mégapole de plus de dix millions d’habitants et les plans d’urbanisme datant de l’époque coloniale ne sont plus qu’un souvenir.

Aux yeux de l’ancien Premier ministre Matata Mponyo, « le front intérieur est au moins aussi préoccupant que la situation militaire à l’est et on peut avoir le sentiment que le régime Tshisekedi utilise la mobilisation patriotique pour détourner l’attention des échecs enregistrés dans d’autres domaines et masquer son impopularité grandissante ».

A un an de l’échéance électorale en effet, les candidatures se multiplient mais aussi les vexations à l’égard de tous ceux qui pourraient faire de l’ombre au chef de l’Etat. C’est ainsi que le Dr Mukwege, qui, officiellement, n’est (encore) candidat à rien mais qui multiplie les déclarations dénonçant le rôle du Rwanda et l’impuissance de la communauté internationale, a été placé dans le collimateur de l’inspection fiscale : il lui est reproché de ne pas avoir déclaré… les montants affectés au repas de midi proposé au personnel de l’hôpital de Panzi et une partie des comptes de l’hôpital a été saisie ! Faut-il souligner que l’on aimerait que davantage d’employeurs se voient reprocher d’accorder des avantages en nature à leur personnel dans un pays où la population se contente le plus souvent du « gong unique », c’est-à-dire un repas par jour…

« Tous les rivaux du chef de l’Etat, déclarés ou potentiels, ont des problèmes », nous explique Matata Mponyo, « je fais moi-même l’objet de procédures judiciaires et Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, se trouve également dans le collimateur. » De fait, M. Katumbi a été à nouveau accusé d’avoir une double nationalité, congolaise et italienne, et même ses origines juives, par sa mère, ont été avancées…

Des affrontements violents en vue

Cette offensive anti-Katumbi risque de se durcir dans les temps à venir : ce lundi en effet, le parti de l’ancien gouverneur du Katanga, Ensemble pour la République, qui faisait partie de la majorité présidentielle et disposait de cinq ministres au gouvernement, tiendra un congrès important à Lubumbashi. Sur les ondes de France 24, M. Katumbi, qui jouit toujours d’une grande popularité, a annoncé qu’à l’issue de ce congrès, il annoncera officiellement sa candidature à la présidence de la République, décision qui aurait été prise « au vu de la situation chaotique » dans laquelle se trouve le pays.

Autrement dit, non seulement la RDC affronte une guerre à l’est qui est loin d’être gagnée, mais les mois à venir vont être consacrés à une campagne électorale au cours de laquelle tous les coups seront permis. Cette échéance risque d’entraîner des affrontements violents entre les Kasaïens qui soutiennent le président sortant et les nombreux adversaires de ce dernier, qui ne manqueront ni d’atouts ni d’arguments mais… seront désavantagés par le fait que le futur scrutin se limitera à un seul tour.

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