Christophe MBoso, président de l’Assemblée nationale de la RDC: «La guerre au Kivu est le fait du président rwandais»
Christophe MBoso N’Kodia Pwanga est le président de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo. Il est venu en Belgique demander aide et soutien dans le conflit qui oppose son pays au Rwanda. Article réservé aux abonnés

Par la rédactionPublié le 13/01/2023 à 21:05 Temps de lecture: 5 min
Occupant une position clé dans la hiérarchie politique, Christophe MBoso N’Kodia Pwanga, le président de l’Assemblée nationale congolaise, est venu en Belgique, un pays qu’il considère comme la « deuxième patrie » des Congolais, pour demander aide et soutien dans la guerre qui oppose désormais son pays au Rwanda.
M. Mboso, se référant au discours tenu par le Roi Philippe lors de sa visite en RDC en juin dernier, ne doute pas de cet appui et assure que le Premier Ministre belge lui-même suit le dossier de très près. Le président de l’Assemblée nationale, à l’occasion d’un entretien exclusif, a tenu à démentir une crainte souvent formulée, y compris par ses compatriotes de la diaspora, celle de l’implosion du pays, de sa « balkanisation ».
Pour lui, « même si la situation à l’Est est préoccupante, le Congo, sur toute l’étendue de son territoire, est uni comme les doigts de la main. Le Congo est un et indivisible, et la population, à travers tout le pays, suit de près la situation au Kivu et souffre avec nos compatriotes de l’est. Nous subissons une guerre qui nous est imposée alors que le Congo veut vivre en paix avec tous ses voisins. » Pour M. Mboso en effet, l’agresseur ne fait aucun doute : « Derrière le mouvement rebelle M23, c’est bien le Rwanda et son président, Paul Kagame, qui est à la manœuvre. Les Congolais n’ont aucune animosité à l’encontre du peuple rwandais lui-même, les réfugiés rwandais, à plusieurs reprises, ont été accueillis chez nous… »
Ambitions expansionnistes
C’est précisément là que le bât blesse : rappelons qu’après le génocide des Tutsis en 1994, plus d’un million et demi de réfugiés hutus avaient fui en direction du Nord et du Sud-Kivu. Dans la foulée de la première guerre du Congo (1996-1997), la plupart d’entre eux regagnèrent le Rwanda mais les plus irréductibles s’organisèrent en mouvements armés dont le dernier avatar est le FDLR (Front démocratique pour la libération du Rwanda). Selon Kigali, des combattants du FDLR combattraient aux côtés de l’armée congolaise. Avec force, M. Mboso réfute ces accusations : « Il n’y a aucune complicité de notre armée avec les FDLR. Du reste, depuis 1997, il y a eu de nombreuses opérations conjointes menées avec l’armée rwandaise elle-même pour rechercher les FDLR et les forcer à regagner le Rwanda. Le président actuel, Félix Tshisekedi, avait également autorisé de telles opérations au début de son mandat. Actuellement, les FDLR ne représentent plus un danger pour Kigali, ils servent seulement de prétexte… »
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Récusant l’indépendance du mouvement rebelle M23 par rapport au Rwanda, M. Mboso se réfère au rapport des experts de l’ONU et au témoignage de ses compatriotes du Nord-Kivu pour assurer que c’est bien l’armée de Kagame elle-même qui est à la manœuvre : « Pour quel mobile ? Nous considérons que Kigali veut poursuivre le pillage du Congo et que le président Kagame nourrit des ambitions expansionnistes, il veut annexer une partie de notre territoire. C’est déjà parce qu’il s’opposait à ce projet que Laurent Désiré Kabila, le premier président après Mobutu, fut assassiné. »
Le président actuel, Félix Tshisekedi, accéda au pouvoir en 2019 et sa première visite fut réservée à Kigali où il tint des propos apaisants et conclut des accords économiques et commerciaux. Cette politique de la main tendue lui est aujourd’hui reprochée par l’opinion. M. Mboso explique que « la politique du chef de l’Etat était celle du “bon voisinage” : nous avons conclu des accords avec tous nos voisins, la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda et ce dernier a, entre autres, obtenu les droits d’escale pour la compagnie RwandAir dans plusieurs villes du Congo. Mais tout cela, c’est du passé : ces accords sont suspendus… Par contre, nos autres voisins, la Tanzanie, le Burundi, l’Angola, le Kenya, nous soutiennent et participent à l’effort de pacification. »
Solidarité internationale
Selon le président de l’Assemblée nationale, son pays peut compter sur une solidarité internationale qui va en s’élargissant : « le Roi des Belges a répété son attachement à l’intégrité territoriale du Congo, et les gouvernements français, espagnol, italien, allemand nous ont apporté leur soutien. Mais la position la plus significative est celle des Etats Unis : avec insistance, Washington a demandé au Rwanda de retirer ses troupes et en tout cas de cesser d’appuyer le M23. Paul Kagame n’a pas bronché, mais je crois qu’il finira par comprendre. »
M. Mboso ne doute pas de la détermination du chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, à organiser des élections mais il relève un obstacle majeur : « Si le scrutin a lieu cette année et que le Nord-Kivu est toujours occupé, les populations ne pourront pas voter librement. Or personne ne souhaite un report du scrutin. Il faut donc que la guerre s’arrête afin que l’on puisse voter librement sur l’ensemble du territoire. »
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Pour M. Mboso, le mouvement rebelle M23 qui administre déjà un vaste territoire au nord de Goma, n’est en rien représentatif des Tutsis congolais : « Ce groupe rebelle a été mis en échec par notre armée en 2013 et recréé ensuite par Kagame, mais il ne représente pas les Tutsis du Congo. Ces derniers vivent en bonne intelligence avec leurs compatriotes et des Tutsis, comme les autres citoyens congolais, fuient les zones occupées. Au Congo, les Tutsis sont représentés partout, au Parlement, dans les Assemblées provinciales, et l’un de leurs leaders, Moïse Nyarugabo, a été élu sénateur à Kinshasa… »
S’il se présente comme un homme de dialogue, il est un point sur lequel le président de l’Assemblée nationale se montre intransigeant : « Jamais, plus jamais, nous n’accepterons d’intégrer dans notre armée des hommes issus des groupes rebelles, qu’il s’agisse du M23 ou d’autres. Dans le passé on nous a obligés de pratiquer le “brassage” et le “mixage”, et cette méthode a failli détruire notre armée sinon le Congo lui-même. Le vote de l’Assemblée nationale est sans équivoque : on ne discute plus avec les rebelles, on ne les intègre plus. C’est fini. Et ce refus exprime la volonté du peuple. »