POLITIQUE

En RDC, Jean-Marc Kabund-a-Kabund et l’espoir d’une libération

Tombé en disgrâce il y a un an, l’ancien patron du parti de Félix Tshisekedi est incarcéré depuis août dernier pour outrage au chef de l’État. Depuis Makala, il caresse des rêves de revanche, mais aussi de réhabilitation.

31 janvier 2023 à 18:52

Par Anna Sylvestre-Treiner

Mis à jour le 31 janvier 2023 à 18:52

Jean-Marc Kabund-a-Kabund au Grand Hôtel de Kinshasa, le 15 septembre 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

Jean-Marc Kabund-a-Kabund est un homme prudent. Ce vendredi 20 janvier, le détenu est en alerte alors qu’une agitation d’un genre inhabituel s’empare de Makala. La nuit est déjà tombée sur Kinshasa et un « VIP » vient d’arriver. Kabund le connaît bien : tee-shirt vert, visage en partie dissimulé par une casquette rouge, c’est Fortunat Biselele.À LIRERDC : face à Tshisekedi, les rêves de revanche de Jean-Marc Kabund

Celui-ci vient de passer une semaine dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Après plusieurs heures au Parquet, l’ancien conseiller privé de Félix Tshisekedi a été inculpé pour « trahison, atteinte à la sûreté extérieure de l’État et propagation de fausse nouvelle ». Il y a quelques jours encore, on disait pourtant de lui qu’il comptait parmi les plus puissants du pays.

Chute brutale

Kabund se réjouit-il de cette forme de revanche offerte par le destin ? Il considère que « Bifort » est l’un des responsables de sa disgrâce et en a fait un ennemi personnel. L’ancien président intérimaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), devenu un virulent opposant au président, exige en tout cas que Biselele ne dorme pas dans son pavillon, le numéro huit, et qu’il soit transféré dans le numéro un. « Il n’y a aucune animosité entre eux, d’ailleurs, ils ne se sont même pas croisés, assure Emmanuelli Kahaya, l’avocat de Kabund. Simplement, on ne sait jamais ce qui peut arriver. » Décidément, Jean-Marc Kabund-a-Kabund est un homme prudent.

Depuis sa cellule étouffante de Makala, ce militant longtemps considéré comme un des stratèges de Tshisekedi est sans doute l’un des hommes les mieux placés pour comprendre ce qui se joue dans la tête de Biselele le 20 janvier. Jusqu’à il y a un an, lui aussi était un des acteurs les plus puissants du régime. Lui aussi était au fait des plus importants secrets, et lui aussi a un jour tout perdu. Il sait à quel point la chute peut être brutale.À LIREEn RDC, Félix Tshisekedi peut-il compter sur l’UDPS ?

Pour Kabund, c’était en janvier 2022. D’abord radié de son poste de vice-président de l’Assemblée nationale, il a été exclu du parti présidentiel, dont, tel un orfèvre, il connaissait tous les rouages. C’est à lui qu’Étienne Tshisekedi, le père de l’actuel président, avait confié les clés de l’UDPS, aime-t-il rappeler. Durant des années, ce jeune homme arborant un béret fut l’un des piliers du système de Félix Tshisekedi, et un incontournable élément de son pouvoir après son arrivée à la présidence, en 2019.

Maman Marthe en conciliatrice

Aujourd’hui, il assure que sa mise à l’écart ne l’a pas surpris. Pas même son arrestation, six mois plus tard, pour « outrage au chef de l’État », peu après avoir déclaré sa candidature à la présidentielle et tenu une conférence de presse virulente. Ce militant connu pour sa fougue et sa capacité de mobilisation considère la prison comme un passage obligé. C’est un galon supplémentaire à accrocher à sa veste de combattant.

« En janvier 2022, cela faisait déjà longtemps que nous nous étions éloignés, Félix et moi. Cette rupture s’est produite peu à peu. Je constituais un frein à l’affairisme d’une partie de ses conseillers et de sa famille », affirme Kabund. Les alliés ne s’entendent plus, et même une conciliation organisée par Marthe Kasalu Tshisekedi, en juillet 2021, n’aboutit pas. À la 10e rue Limete, Félix et Jean-Marc se parlent une partie de la nuit sous la surveillance de la « maman nationale », mais ils ne se comprennent plus. « J’étais l’un des rares à dire au président qu’il était manipulé par son entourage. Dans ces conditions, sa réélection en décembre 2023 me semblait difficile », poursuit Kabund.

Durant ces six mois de détention, il dit avoir compris « beaucoup de choses ». « Ici, on n’a rien, il faut acheter son matelas, et même son repas. Les gens vivent l’enfer », décrit-il. Son entourage assure qu’à aucun instant son moral n’a fléchi et qu’il n’a jamais manqué de détermination, alors même que la décision de la Cour de cassation de le remettre en résidence surveillée n’est pas appliquée depuis six mois.

Accélération des discussions

Mais la roue pourrait encore tourner pour Kabund. Son « ennemi » Biselele désormais écarté des hautes sphères, des discussions sur sa libération conditionnelle ont eu lieu ces derniers jours. Selon nos informations, la perspective de la visite du pape François, qui a débuté ce 31 janvier, a permis de les accélérer. « Cela serait un signe d’apaisement et de réconciliation », reconnaît un membre du gouvernement. « Nous espérons que notre client sortira de Makala dans les prochains jours », s’avance même Me Kahaya, qui se félicite « d’avancées dans les discussions, même si certains points de blocage subsistent ».

Tout est désormais sur la table, même un nouveau ralliement de Kabund à Tshisekedi, à onze mois de la présidentielle. Le premier aimerait alors préparer cette échéance cruciale depuis le perchoir – il n’a pas été formellement déchu de son poste de député – ou la primature.

En attendant, il tue le temps depuis le pavillon huit de Makala. Malgré le brouhaha, il tente de se concentrer sur ses cours de licence de droit. Le soir, il lit. L’un des derniers ouvrages qu’il a ouverts est un SAS de Gérard de Villiers, La Vengeance au Kremlin. Il a adoré.

By Habari

S’abonner
Notification pour
guest

0 Comments
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x