Au Mining Indaba, Washington fond sur les minerais stratégiques africains

L’administration américaine est à la tête d’une initiative occidentale visant à sécuriser les approvisionnements en métaux clés de la transition énergétique. Mais le retard pris sur les entreprises publiques chinoises, déjà très présentes sur le continent, s’annonce difficile à combler.

8 février 2023 à 16:35

Par Gaëlle Arenson – envoyée spéciale au Cap

Mis à jour le 8 février 2023 à 17:38

Jose W. Fernandez, sous-secrétaire d’État à la Croissance économique, à l’Énergie et à l’Environnement, lors de son discours à la conférence « Investing in African Mining Indaba, au Cap, le 6 février 2023. © Shelley Christians Jordaan/REUTERS.

Neuf mois après sa participation remarquée à la conférence « Investing in African Mining Indaba » en 2022, le sous-secrétaire d’État américain à la Croissance économique, à l’Énergie et à l’Environnement, Jose W. Fernandez, est de nouveau sur le pont pour l’édition 2023. Et il a pris date pour l’année prochaine, à l’issue de son allocution devant l’assemblée des miniers réunis au Cap du 6 au 9 février pour la grande messe annuelle du secteur.

Autre signe que les États-Unis entendent être des plus visibles en la matière, il était accompagné par Amos Hochstein, coordinateur présidentiel spécial du président américain Joe Biden pour les affaires énergétiques internationales.

Dans la course à la sécurisation des minerais critiques pour la transition énergétique – ceux comme le cuivre, le zinc ou le cobalt sont utilisés dans les batteries –, les États-Unis passent-ils à la vitesse supérieure ? Figurant haut sur l’agenda des discours inauguraux de la première journée de la conférence, directement après l’adresse de bienvenue du ministre sud-africain des Ressources minérales, Gwede Mantashe, le sous-secrétaire d’État s’est montré pour le moins direct.

Des besoins en lithium multipliés par 42 d’ici à 2040

Pour entamer son intervention intitulée « Les États-Unis partenaires de l’Afrique : viser l’excellence, une course vers le haut dans les minerais et dans l’extraction », Jose W. Ferdandez a dressé un état des lieux chiffré. « Depuis mai 2022, mon équipe a affiné sa connaissance de nos besoins en minerais critiques et le constat se confirme. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande pour la plupart des minéraux en question va se multiplier par quatre voire pas six. Pour certains d’entre eux, l’augmentation sera exponentielle :  d’ici à 2040, la demande en graphite sera multipliée par 25, tandis que celle de lithium par 42 ! »À LIREL’offensive américaine sur les métaux critiques africains

Et le responsable de poursuivre : « Le problème est que non seulement nous ne disposons pas aujourd’hui de suffisamment de ces ressources, mais qu’en plus les chaînes d’approvisionnement des ressources en question ne sont pas assez diversifiées. » Pointée du doigt, la Chine, qui domine nombre de marchés des matières premières minérales, comme celui des terres rares.

Quelques heures plus tard, son compatriote Amos Hochstein en remettait une couche : « Nous sommes à l’aube du plus important bouleversement depuis la révolution industrielle ; la question est de savoir si l’Afrique sera à la hauteur du défi cette fois et capable d’en tirer les retombées pour construire des routes et des écoles […]. Nous voulons être ses partenaires d’investissement ; tout commence ici à cette conférence ».

Partenariat gagnant-gagnant

Créé en juin 2022, le « Mineral Security Partnership (MSP) » – initiative conjointe de l’Australie, du Canada, de la Finlande, de la France, de l’Italie, du Japon, de la Corée, de la Norvège, de la Suède, du Royaume-Uni, des États-Unis et de l’Union européenne – vise une sécurisation des approvisionnements en métaux clés pour la transition énergétique. Quatre objectifs prioritaires sont ainsi portés.

En premier lieu, l’application de standards élevés de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans la manière d’extraire et de transformer les minerais en question. « Dans la poursuite de nos trois autres objectifs [le partage d’informations sur des projets miniers clés, la promotion des financements de ceux-ci, et le développement d’opportunités d’offtake (approvisionnement des utilisateurs finaux) et de recyclage de ces métaux stratégiques], l’adhésion aux principes les plus élevés de RSE sera notre porte d’entrée », a martelé Jose W. Fernandez devant plusieurs milliers de personnes. « Il ne s’agit pas là d’altruisme, mais tout simplement d’une exigence de la part des investisseurs et des consommateurs ».À LIREEn RDC, dans le Haut-Katanga, les miniers misent sur le zinc

De son côté, Amos Hochstein a précisé la nécessité « d’un nouveau contrat social » : « Nous tirons les conséquences de nos propres erreurs, et nous voulons désormais d’un réel partenariat gagnant-gagnant, dans lequel les populations locales bénéficieront de salaires, de protection sociale et de retraites significatifs. »

DFC et US Eximbank comme filets de sécurité

Sur le front de l’identification de projets miniers stratégiques, les États-Unis ont déjà engrangé des signatures comme le partenariat mis en place par KoBold Metals et EMR Capital avec la compagnie publique zambienne ZCCM-IH pour un investissement de 150 millions de dollars dans la mise en valeur du gisement de cuivre de Mingomba et la mise à niveau de la mine de métal rouge de Lubambe. Ou encore la fusion en cours entre Lifezone Metals et GoGreen Investments en vue du développement du projet de nickel de Kabanga d’un milliard de dollars, en Tanzanie. À noter également que le gouvernement américain est signataire, depuis décembre 2022, du mémorandum d’entente entre la Zambie et la RDC pour développer la chaine de valeur dans les batteries électriques.À LIREÉtats-Unis – Afrique : DFC, Prosper Africa… Le financement du développement patine encore

« Comment allons-nous encourager les investisseurs à prendre position en Afrique où les risques-pays pèsent sur les capacités de levées de fonds ? », s’est encore interrogé Hochstein. « Nous allons “dérisquer” les projets en faisant monter au filet les grands bailleurs de fonds américains : DFC, US Eximbank… Nous prendrons les premières pertes à notre charge, et nous nous soucierons de la réalisation de bénéfices plus tard ! »

Mainmise chinoise

Les industriels de la mine demandent cependant à voir, incertains que cela suffise à rattraper l’avance prise par les Chinois, déjà positionnés, par exemple, au niveau du continent sur des mines géantes de cuivre, métal incontournable de la transition énergétique. À l’instar de Tenke Fungurume, l’une des plus importantes exploitations du métal rouge et de cobalt de la RDC, passée en 2016 sous contrôle du mastodonte CMOC après la vente de l’actif pour 2,65 milliards de dollars par l’américain Freeport McMoRan.


>> À lire sur Africa Business+ Tenke Fungurume Mining : China Moly capitalise sur sa montée au sein de l’actionnariat <<<


Ou encore, toujours en RDC, du gigantesque complexe de cuivre-cobalt de Kamoa-Kakula, dont la production est exportée vers la Chine. Au sein de ce projet, on retrouve Zijin Mining comme coactionnaire, aux côtés du canadien Ivanhoe Mines de Robert Friedland, lequel a aussi laissé entrer Zijin au capital de son groupe. Présent à Mining Indaba, Jinghe Chen, président et fondateur de Zijin Mining, se positionne d’ailleurs pour la première fois comme sponsor de la rencontre, annonçant au passage une hausse de ses investissements sur le continent.

By Habari

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