POLITIQUE

Le M23 toujours à Bunagana, un revers pour Kinshasa

Le 13 juin 2022, cette ville stratégique de l’Est congolais tombait aux mains du M23. Un an plus tard, malgré les mises en garde de Félix Tshisekedi et le déploiement d’une force sous-régionale, Bunagana reste en partie sous le contrôle des rebelles.

13 juin 2023 à 19:41

Par Socrate Nsimba – à Kinshasa

Mis à jour le 13 juin 2023 à 19:41

Des soldats ougandais de la Force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EACRF) à Bunagana, le 19 avril 2023. © Glody MURHABAZI/AFP

Ce 13 juin, Félix Tshisekedi fête ses 60 ans. Hasard du calendrier, ce jour coïncide aussi avec le premier anniversaire de la prise de Bunagana par le M23, une rébellion que Kinshasa et l’ONU accusent le Rwanda de soutenir – ce que Kigali continue de démentir.

Les premières semaines, le mouvement citoyen Lucha a entrepris un décompte des jours dans l’espoir de voir l’armée congolaise reconquérir sans délai cette cité stratégique du Nord-Kivu, lovée au pied du volcan Sabyinyo et située à une centaine de kilomètres de la ville de Goma, à la frontière avec l’Ouganda. Mais un an plus tard, c’est le statu quo. Première localité majeure à tomber sous le contrôle du M23, Bunagana est le symbole de la crise qui oppose Kigali et Kinshasa et de l’impasse dans laquelle stagne la sous-région.À LIRERDC : après la prise de Bunagana, la fin de l’entente entre Tshisekedi et Museveni ?

Il faut dire que les mois se sont succédé sans qu’une solution n’ait été trouvée. Kinshasa avait placé de grands espoirs dans la force régionale conjointe que la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) a accepté de déployer dans l’est de la RDC. En septembre 2022, se réjouissant de l’arrivée prochaine des premiers contingents sous-régionaux, le président congolais avait réaffirmé que le retrait « inconditionnel » du M23 n’était pas négociable. « [Les Kényans] vont d’ailleurs entrer par Bunagana », avait-il déclaré dans une interview accordée à RFI et France 24 en marge des assemblées générales de l’ONU.

Des revenus substantiels

Les Kényans ont bien fini par arriver, mais ils n’ont pas été déployés dans les environs de Bunagana. Ce sont les Ougandais qui ont finalement pris position dans le secteur à la toute fin de mars 2023, et sans pour autant en prendre formellement le contrôle. Le M23 continue à régner sur la cité, où plusieurs cadres du mouvement ont, un temps du moins, établi leur quartier général. Selon plusieurs témoignages, une forme de cohabitation a fini par s’instaurer entre les troupes ougandaises et les rebelles, qui tirent de substantiels revenus de la gestion du poste-frontière de la ville – 27 000 dollars par mois précise le groupe d’experts de l’ONU dans son rapport publié en décembre 2022.

Les autorités congolaises ne font plus mystère de leur agacement vis-à-vis des forces de l’EAC. « Il y a une sorte de collaboration entre la force de l’EAC et les rebelles ou terroristes du M23 », a accusé fin mai le chef de l’État congolais lors d’une visite en Chine. Le 31, le mandat de la force a été prolongé jusqu’au 8 septembre prochain, mais un départ est désormais évoqué.À LIREEn RDC, l’avenir incertain de la force régionale est-africaine

Quelques jours auparavant, Jean-Pierre Bemba, ministre congolais de la Défense, avait affirmé en plein conseil des ministres que, loin d’être en recul, le M23 était en train de renforcer ses capacités avant une « reprise des hostilités contre les FARDC [Forces armées de la RDC] ». Il avait dans la foulée accusé les rebelles de vouloir reconquérir les zones cédées à la force régionale.

La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) peut-elle réussir là où l’EAC a échoué ? Le gouvernement congolais compte en tout cas sur les renforts qui lui ont été promis, le 8 mai à Windhoek, en Namibie, lors d’un sommet de l’organisation sous-régionale. Mais rien ne pourra avancer tant que l’EAC sera déployée sur le terrain.

« Harcèlement constant »

Celle-ci n’est pas non plus sans grief. Poussé à la démission fin avril, le général kényan Jeff Nyagah, qui dirigeait la force régionale, a dénoncé « le harcèlement constant qui menace sa sécurité, des intimidations et pressions politiques de la part des contractants militaires, ainsi que les campagnes médiatiques négatives ». Les relations entre Kinshasa et Nairobi en ont pâti, même si c’est un autre Kényan, Aphaxard Muthuri Kiugu, qui l’a remplacé au QG de Goma. Signe de ce malaise, Félix Tshisekedi a affirmé que seul le contingent burundais « applique, au vrai sens du mot, les accords tels qu’ils étaient prévus ».À LIREEn RDC, démission fracassante de Jeff Nyagah, le patron de la force régionale

« Aujourd’hui, le rapport de force sur le terrain des opérations est en défaveur des forces armées de la RDC, qui n’ont pas réussi à renverser la situation mais comptent sur des appuis externes pour obtenir le retrait du M23 », résume Martin Ziakwau, chercheur et spécialiste de la région des Grands Lacs. Lui voit dans cette situation la preuve que « les mouvements opérés dans l’armée et les diverses initiatives sécuritaires, lancées sans coordination ni cohérence, n’ont qu’un effet très limité ».

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