POLITIQUE
En RDC, que reproche-t-on à l’opposant Franck Diongo ?
Le président du Mouvement lumumbiste progressiste (MLP) a été arrêté le 20 juin. Très critique à l’égard du président Félix Tshisekedi, il est réputé proche de Moïse Katumbi et brigue lui aussi la magistrature suprême.
22 juin 2023 à 14:20
Par Socrate Nsimba – à Kinshasa
Mis à jour le 22 juin 2023 à 14:20

« Enlèvement avec une brutalité inouïe [digne] de l’époque stalinienne. » C’est ainsi que Paul-René Lohata, secrétaire général du Mouvement lumumbiste progressiste (MLP), a décrit devant la presse ce mercredi 21 juin l’interpellation du président du parti, Franck Diongo.
Aux renseignements militaires ?
Celui-ci a été arrêté mardi par des hommes armés alors qu’il venait d’assister, à l’hôpital du Cinquantenaire, à l’hommage rendu à Gérard Kabamba, ancien compagnon d’Étienne Tshisekedi, décédé le 9 juin. Une cérémonie à laquelle a également participé le président Félix Tshisekedi.
Selon nos informations, il serait détenu dans les locaux des renseignements militaires. Mais le MLP dit ne pas avoir été informé officiellement de l’endroit où a été emmené Franck Diongo. Contacté par Jeune Afrique, son avocat, John Omehata, assure lui aussi ne pas savoir où se trouve précisément son client.À LIREEn RDC, le bras droit de Moïse Katumbi poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État
« Je suis à la Demiap [Détection militaire des activités anti-patrie, renseignements militaires] pour m’entretenir avec les services. On m’affirme qu’il n’est pas là, explique John Omehata. D’après le garde du corps de mon client, quand on l’a arrêté, on l’a d’abord emmené à la police criminelle. Puis il a été conduit vers une destination inconnue. »
Que reproche-t-on à Franck Diongo ? Certaines sources font état d’une détention « illégale » d’arme à feu – une accusation similaire a été portée contre Salomon Idi Kalonda, le conseiller de l’opposant Moïse Katumbi qui a été arrêté le 30 mai et se voit désormais reprocher une collusion avec le Rwanda et des faits d’« atteinte à la sûreté de l’État ».
Revolver 9 millimètres
Sur les réseaux sociaux, des images circulent, sur lesquelles on peut voir un agent de sécurité sortir un pistolet du véhicule de Franck Diongo. Mais le MLP précise qu’il a obtenu cette arme — un revolver 9 millimètres – légalement, et qu’elle a été enregistrée le 6 février 2023 par Daniel Aselo, alors ministre de l’Intérieur.À LIREFace à Félix Tshisekedi, Joseph Kabila renfile les gants
Candidat déclaré à la présidentielle de décembre prochain, Franck Diongo est aussi un allié politique de Moïse Katumbi. En décembre 2016, il avait été accusé d’avoir séquestré et roué de coups trois militaires de la Garde républicaine dans sa résidence – à l’époque, c’est Joseph Kabila qui était au pouvoir. Condamné à cinq années de détention pour « arrestation arbitraire et détention illégale aggravée », il aura passé plus de deux ans en prison jusqu’à ce qu’il soit gracié, en mars 2019, par un Félix Tshisekedi tout juste arrivé au sommet de l’État.
« Mensonge d’État »
La rupture avec le pouvoir date d’il y a presque un an, quand cet opposant réputé radical dénonce une « continuité de la mauvaise gouvernance basée sur la démagogie, le mensonge d’État, l’illusion démocratique, la corruption aggravée, l’enrichissement à outrance et illicite, la terreur, la gabegie financière, l’impunité, le tribalisme, le favoritisme aveugle, les détournements, les violations des droits de l’homme et des droits de l’opposition, le laxisme dans la gestion de la chose publique, le népotisme et l’absence de volonté politique de transformer la RDC en un véritable État de droit ».À LIREÀ Lubumbashi, fief de Kabila et Katumbi, la violence est-elle manipulée ?
Depuis cette diatribe prononcée le 20 juillet 2022, Franck Diongo a multiplié les critiques vis-à-vis du président Tshisekedi, accusé d’avoir « déçu l’espoir placé en lui ». « La RDC ne marche pas bien. [Félix Tshisekedi] ne pourra jamais obtenir un deuxième mandat parce qu’il dirige très mal le pays. Son régime est pire que celui de Kabila. Donnons-lui un carton rouge ! », lançait-il encore en mars dernier, appelant à un front commun de l’opposition contre l’actuel président.
Mi-avril, il avait ensuite participé au huis clos de Lubumbashi, qui avait réuni les figures de l’opposition congolaise, dont Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Matata Ponyo Mapon et Delly Sesanga.