POLITIQUE

Pourquoi Corneille Nanga a choisi l’exil

C’est lui qui avait annoncé la victoire de Félix Tshisekedi à la présidentielle de 2018 en RDC. Désormais candidat, l’ancien président de la commission électorale resté proche de Joseph Kabila dit se sentir menacé.

18 août 2023 à 09:24

Par Stanis Bujakera Tshiamala – à Kinshasa

Mis à jour le 18 août 2023 à 09:24

L’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et le fondateur du parti l’Action pour la dignité du Congo et de son peuple (ADCP), Corneille Nangaa, le 2 janvier 2019 à Kinshasa. © John WESSELS / AFP

Un jour au Ghana, l’autre en Angola, Corneille Nangaa se méfie. « Depuis quatre mois, je suis dans une tournée internationale, raconte l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Et les échos qui me parviennent de RDC ne rassurent pas. »

Dans le collimateur

En février dernier, il a franchi le Rubicon et fait son entrée en politique. Autrefois arbitre des querelles électorales, il a fondé son propre parti, l’Action pour la dignité du Congo et de son peuple (ADCP) et annoncé sa candidature à la magistrature suprême. Quelques jours plus tard, son frère, Christophe Baseane Nangaa, gouverneur de la province du Haut-Uélé, se retrouvait dans le collimateur de l’Inspection générale des finances (IGF).À LIREEn RDC, Corneille Nangaa se lance dans la course à la présidentielle

« Il y a quelques jours à peine, des caciques du pouvoir ont commencé à évoquer la possibilité de me traduire en justice pour mes positions en rapport avec la détérioration de la situation sécuritaire du pays », reprend-il. Mais il l’assure, il ne se laissera pas impressionner. « Le régime s’est considérablement cabré et éloigné des attentes du peuple, insiste-t-il. Il voudrait mordicus s’imposer pour un second mandat très discutable. Nous avons dénoncé des situations inadmissibles que personne n’a pu démentir. En quoi le fait de pointer la présence d’infiltrés dans la garde présidentielle est-il un crime ? Est-ce plus grave que de dénoncer les tueries en Ituri ou dans la Tshopo ? Le régime de Félix Tshisekedi a échoué, il devrait en assumer les conséquences. »

L’époque où il avait annoncé la victoire de Félix Tshisekedi à la présidentielle de décembre 2018 paraît loin. Son idylle avec le chef de l’État n’a pas résisté à la fin de l’alliance politique qui unissait ce dernier à son prédécesseur, Joseph Kabila. Entre les deux hommes, Corneille Nangaa était-il condamné à choisir son camp ?À LIREEn RDC, Félix Tshisekedi interviewé par Félix Tshisekedi ?

« La situation politique en RDC s’est dégradée depuis la fin de leur coalition, répond-il. L’architecture institutionnelle du pays est désaxée, les institutions elles-mêmes sont instrumentalisées par le pouvoir. La situation socio-économique est chaotique et l’insécurité progresse sur l’ensemble du territoire. »

Toujours sous sanctions

Alors qu’il est toujours sous sanction américaine, accusé de corruption et d’entrave au processus électoral de 2018, Corneille Nangaa n’a de cesse de dénoncer l’inefficacité de l’état de siège instauré en Ituri et dans le Nord-Kivu. Il demande la démission du gouvernement de Sama Lukonde Kyenge et accuse les autorités d’avoir « intégré » des combattants des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) au sein de la Garde républicaine. Des accusations que le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, a rejetées ce mercredi 16 août, dénonçant à son tour des propos « d’une extrême gravité » qui pourraient valoir à leur auteur une convocation par la justice.

NOUS AVONS DEMANDÉ AU PRÉSIDENT TSHISEKEDI DE FAIRE UN BREAK DANS LE PROCESSUS ÉLECTORAL

À en croire Corneille Nangaa, ses déboires avec le pouvoir ont commencé après la création de son parti. « Un mois plus tard, soit le jeudi 23 mars 2023, les éléments de la police nationale qui étaient commis à ma sécurité en tant qu’ancien président de la Ceni ont été retirés sans aucune explication. Si l’on se souvient des circonstances dans lesquelles les généraux Delphin Kahimbi puis Timothée Munkuto ont trouvé la mort, on comprend que la prudence est de mise. » Et d’ajouter que cet épisode « a par ailleurs été suivi de plusieurs reproches de la part des tenants du pouvoir au motif que je m’étais engagé dans une politique jugée trop critique vis-à-vis du régime. J’avais donc fini par en savoir les raisons ».À LIREAu tribunal, Kabund garde toute sa virulence contre Tshisekedi

Toujours proche de Joseph Kabila, Corneille Nangaa conditionne désormais son retour au pays « à la décrispation de l’environnement politique ». « Lorsqu’on se sent menacé, seule l’absence de la menace permet de retourner au pays. »

Il conclut en plaidant « pour un reformatage du processus électoral ». « Ceci sera la base d’un retour en confiance entre acteurs. Nous avons demandé au président Tshisekedi de faire un break dans le processus afin que les acteurs conviennent avantageusement d’un nouveau départ dans la gouvernance électorale. C’est le remède pour vider la crise. » 

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