POLITIQUE

RDC : l’élection des gouverneurs, un défi pour Félix Tshisekedi

Ce vendredi 6 mai, les chefs de province seront élus au suffrage indirect. À un an et demi de la présidentielle, ce scrutin constitue un test grandeur nature pour l’Union sacrée au pouvoir, confrontée à de nombreuses candidatures dissidentes.

Réservé aux abonnés6 mai 2022 à 10:15Par Stanis Bujakera TshiamalaMis à jour le 6 mai 2022 à 10:22

Le président congolais, Félix Tshisekedi, à Kinshasa, le 20 février 2022. © Arsene Mpiana/AFP

En avril 2019, lors de la dernière élection des gouverneurs, l’heure était à l’effervescence et à la satisfaction dans les rangs du Front commun pour le Congo (FCC). Après avoir remporté la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat, la coalition de Joseph Kabila raflait une grande partie des postes qui régentent les vingt-six provinces du pays.

Trois années semblent avoir été une éternité, et la situation a pris un tour inattendu. À la fin de décembre 2020, quasiment tous les gouverneurs ont rompu l’accord politique qui les liait à l’ancien président et ont déclaré qu’ils ralliaient la toute jeune Union sacrée de la nation (USN), de Félix Tshisekedi. Seuls Richard Muyej, élu gouverneur du Luabala, et Zoé Kabila, frère cadet de Joseph Kabila et gouverneur du Tanganyika, n’ont pas changé de camp. Ce qui a valu à ce dernier d’être destitué, cinq mois plus tard, par les députés provinciaux.

Ce 6 mai, quatorze des vingt-six postes vont être renouvelés – en l’occurrence, tous ceux dont le gouverneur avait été destitué. Alors que le FCC estime ne « pas être concerné par cette élection », aucun obstacle majeur ne semble désormais se dresser sur la route de l’USN. Tout est-il joué d’avance ? Cela ne sera pas forcément si simple pour la coalition présidentielle… car elle est peut-être son pire ennemi.À LIRE[RDC : l’année de la rupture] Entre Tshisekedi et Kabila, l’heure du divorce

Éparpillement

Non-respect des investitures officielles, multiplication des candidatures indépendantes… La liste des compétiteurs de l’USN rendue publique, au début d’avril, par Modeste Bahati Lukwebo, le président du Sénat, n’a visiblement pas contenté tous les membres de la coalition présidentielle. Plusieurs personnalités ont en effet passé outre les consignes officielles : ils ont déposé leur dossier devant la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et se sont présentés en indépendant.

« Certains sont soutenus et financés par des membres du gouvernement, d’autres par des membres du cabinet du président de la République qui veulent avoir une influence dans les provinces », explique à Jeune Afrique une source au sein de l’USN.À LIRERDC : Beya, Biselele, Nangaa… Discrète guerre de palais dans le premier cercle de Tshisekedi

« Christophe Mboso, le président de l’Assemblée nationale, a besoin de contrôler les provinces de l’ex-Bandundu. Dany Banza, l’ambassadeur itinérant de Félix Tshisekedi, ou Guylain Nyembo, le directeur de cabinet du chef de l’État, souhaitent contrôler les provinces de l’ex-Katanga. Et il y a même un membre de l’exécutif, Crispin Mbadu Panzu, le vice-ministre du Plan, qui est candidat en indépendant au Kongo-Central face à un candidat de l’USN », explique une autre source, qui dépeint une Union sacrée « hypocrite, au sein de laquelle chacun joue sa carte pour défendre ses propres intérêts dans la perspective de 2023 ».

PLUS D’UN AN APRÈS SA FORMATION, LA MACHINE UNION SACRÉE PEINE À SE METTRE EN ROUTE

Ainsi, quatre candidats se présentent dans le Haut-Uélé, six dans le Haut-Lomami, huit dans le Kasaï-Oriental, cinq dans le Kasaï-Central et même vingt-deux – un record ! – dans le Kongo central. Compte tenu de cet éparpillement, la partie n’est pas du tout jouée pour les candidats officiels de l’Union sacrée.

Vers la présidentielle

Ce manque de discipline ne manque pas d’interroger, à un an et demi de la date prévue pour la présidentielle et alors que Félix Tshisekedi ne cache pas son intention de briguer un second mandat. Plus d’un an après sa formation, obtenue grâce au ralliement de nombreux cadres du FCC de Joseph Kabila, la « machine Union sacrée » peine à se mettre en route.

L’élection des gouverneurs est pourtant une donnée-clé. Non seulement ces chefs de province vont occuper un rôle central dans le vaste projet dit « des 145 territoires » du président Tshisekedi, mais ils seront aussi un maillon essentiel de la mobilisation de la population à l’approche de la présidentielle.

Enfin, ce scrutin s’annonce comme un premier test pour l’équipe de Denis Kadima, dont la nomination à la tête de la Ceni a été l’objet d’un  véritable bras de fer entre le pouvoir et l’opposition.À LIRERDC : Denis Kadima, l’homme au cœur du blocage de la Ceni

Alors qu’il s’agit d’un scrutin indirect – les gouverneurs sont élus par les députés provinciaux –, la logistique ne devrait pas poser de problème majeur. C’est donc sur l’organisation et, surtout, sur la transparence de la publication des résultats que Denis Kadima est attendu. D’autant que le mode de désignation des gouverneurs est de plus en plus contesté.

« N’est-il pas temps de regarder la réalité en face ? Le système a montré ses limites et a empêché le développement de nos provinces », s’interroge une source au gouvernement, pour qui la désignation des gouverneurs par les députés provinciaux est « une catastrophe ». « La corruption se pratique à ciel ouvert, au vu et au su de tout le monde », résume-t-il.

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