POLITIQUE

En RDC, le stade des Martyrs fait-il encore le poids face au stade TP-Mazembe ?

En décrétant que le plus grand stade du pays, sis à Kinshasa, n’est pas, contrairement à celui de Lubumbashi, en mesure d’accueillir des rencontres panafricaines, la CAF a mis le doigt dans une querelle bien plus politique qu’il n’y paraît, en pleine année électorale.

13 février 2023 à 19:01

Par Stanis Bujakera Tshiamala

Mis à jour le 13 février 2023 à 19:01

© MONTAGE JA : Gwenn Dubourthoumieu pour JA; ARSENE MPIANA/AFP

LE MATCH DE LA SEMAINE – C’est le plus grand stade de Kinshasa, une arène mythique où se sont produits les plus grands artistes. Koffi Olomidé, Papa Wemba, Werrason, JB Mpiana, et, tout récemment, Fally Ipupa y ont donné des concerts mémorables. C’est aussi là que les obsèques d’Étienne Tshisekedi, le leader historique de l’opposition congolaise, ont été célébrées en juin 2019, presque deux ans et demi après son décès et quelques mois après l’accession de son fils, Félix, à la présidence. Là, encore, que le pape François s’est adressé aux Congolais, le 2 février dernier, fustigeant le tribalisme et la corruption. Et là, bien sûr, que les Léopards ont disputé quelques-unes des plus importantes rencontres sportives de leur carrière.

Installations vétustes

Construit par les Chinois puis inauguré en 1994, le stade des Martyrs s’appelle d’abord « stade de Kamanyola », avant d’être rebaptisé en hommage aux quatre opposants exécutés par pendaison, en juin 1966, sous la présidence de Mobutu. Mais si l’emblématique complexe sportif fait aujourd’hui la une des médias, c’est en raison de la vétusté de ses installations.À LIRECAN, Chan… Au cœur des débats de la CAF sur la refonte des compétitions

Tout est parti d’une tournée d’inspecteurs de la Confédération africaine de football (CAF), venus début février vérifier l’état des trois stades susceptibles d’abriter des compétitions continentales. Le verdict a été sans appel pour celui de Kinshasa et pour le Frédéric-Kibassa-Maliba, de Lubumbashi. Ni l’un ni l’autre n’est en mesure d’accueillir de grands matchs internationaux, a estimé l’institution que préside le Sud-Africain Patrice Motsepe. Seul le TP-Mazembe, lui aussi situé dans le chef-lieu de la province du Haut-Katanga, a été homologué. Un revers cinglant pour le gouvernement congolais, qui avait dépensé près de 5 millions de dollars pour la rénovation du stade des Martyrs.

Pilule dure à avaler

Selon les inspecteurs de la CAF, ce dernier ne répond pas aux normes requises. À plusieurs reprises depuis 2019, ils ont accordé des autorisations d’utilisation temporaires. Aujourd’hui, ils estiment qu’il n’a pas été suffisamment tenu compte de leurs préconisations précédentes et que, des toilettes (« dans un état catastrophique ») aux tribunes en passant par l’espace réservé aux médias, plusieurs zones doivent être entièrement remises à neuf. Sont également désignées des zones situées à l’extérieur du stade, qui ne garantissent pas un environnement « sûr » et « sécurisé » pour l’organisation de matchs internationaux. La CAF recommande même la fermeture du stade pour permettre une réfection majeure.À LIREMoïse Katumbi : « Ma candidature à la présidentielle de 2023 en RDC est définitive »

Pour les autorités, la pilule est d’autant plus dure à avaler que le stade TP-Mazembe a, lui, été homologué sans grande difficulté. Situé dans la commune de Kamalondo, à Lubumbashi, il est un modèle du genre. Construit en 2010, il peut accueillir 18 000 spectateurs. On est loin des 80 000 places assises du stade des Martyrs, mais le TP-Mazembe est équipé de vestiaires modernes, d’une salle de contrôle antidopage, d’un centre de presse et d’une salle pour les conférences de presse. Les entrées sont régulées à l’aide d’un tourniquet, et les VIP ont leur propre accès…

L’offre de Moïse Katumbi

« Ici, tout est moderne », résume un dirigeant de club, vantant, au passage, la présence de boutiques et de toilettes impeccables. Et cela, c’est en grande partie grâce à Moïse Katumbi, qui, à l’époque de la construction du stade, était le gouverneur de la province et, depuis, s’est lancé en politique : en décembre prochain, il devrait affronter dans les urnes le président Félix Tshisekedi, qu’il avait pourtant soutenu au sein de l’Union sacrée.

Le gouvernement a fait appel de la décision de la CAF et a sollicité une nouvelle inspection dans les trente jours, « le temps de se conformer aux exigences ». Cela suffira-il ? Une chose est sûre, Moïse Katumbi, qui est aussi le président du club star de Lubumbashi, le TP Mazembe, a proposé d’accueillir dans « son » stade les compétitions régionales que devaient disputer les clubs kinois DCMP et V-Club. Mais les intéressés ont refusé, tout comme d’ailleurs le FC Saint-Éloi Lupopo, autre club lushois. Le premier a préféré se tourner vers l’Angola, le deuxième vers le Congo-Brazzaville, le troisième vers la Zambie.

Un match dans le match

Et puisqu’en pareille affaire chaque détail a son importance, il est intéressant de noter que les quatre clubs précités sont – ou ont été – dirigés par des hommes politiques. Outre Moïse Katumbi, qui préside le TP Mazembe, Jacques Kyabula, actuel gouverneur du Haut-Katanga et membre de la coalition qui s’est formée autour du président Tshisekedi, est le patron du FC Saint-Éloi Lupopo. Bestine Kazadi, qui représente le chef de l’État congolais auprès de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), est, elle, à la tête du V-Club. Quant au DCMP, il a longtemps été dirigé par Vidiye Tshimanga, ex-conseiller stratégique de Félix Tshisekedi. C’est donc un match dans le match qui se joue actuellement.

By Habari

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