POLITIQUE

En RDC, entre Denis Kadima et Corneille Nangaa, le torchon brûle

Le président de la Ceni et son prédécesseur, qui est entré en politique et a annoncé sa candidature à la présidentielle de décembre, ne sont d’accord sur rien. Et surtout pas sur le processus électoral en cours.

30 mars 2023 à 08:11

Par Socrate Nsimba – à Kinshasa

Mis à jour le 30 mars 2023 à 08:39

Denis Kadima (à g.) et Corneille Nangaa lors de la passation de pouvoir à la tête de la Ceni, à Kinshasa, le 29 octobre 2021. © DR

« Je regarde la photo de ma carte d’électeur, et je me demande si c’est vraiment moi. » Samedi 25 mars, alors qu’il vient de récupérer ladite carte dans un bureau d’enregistrement de Kisangani, chef-lieu de la Tshopo, Corneille Nangaa se moque publiquement de la qualité du cliché qui figure sur le document. Mais la pique vise bien moins les agents de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) qui lui font face que Denis Kadimason successeur à la tête de l’organe chargé d’organiser les scrutins de décembre.À LIRERDC – Denis Kadima : « J’ai hâte d’en finir avec ces élections »

Plusieurs fois déjà, Corneille Nangaa a critiqué le processus en cours. Depuis qu’il s’est engagé en politique, qu’il a fondé son propre parti — l’Action pour la dignité du Congo et de son peuple (ADCP), le 25 février dernier – et qu’il a annoncé sa candidature à la magistrature suprême, il n’a cessé de remettre en cause l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs, censée se terminer à la fin de mars.

Les chiffres de la Ceni ? « Une blague ! »

Le 11 mars, sur les ondes de la radio locale Top Congo, Corneille Nangaa a ainsi qualifié de « blague » les premiers chiffres fournis par la Ceni, qui affirmait qu’au 13 mars plus de 70% des électeurs attendus seraient enregistrés. « Les statistiques présentées comportent des affirmations et des agrégats dangereux », a-t-il ajouté.

Nangaa est aussi de ceux qui, particulièrement dans l’opposition, contestent la composition actuelle du bureau de la Ceni. Il y voit un « péché originel » qui ne permet pas d’établir la confiance.À LIREEn RDC, le frère de Corneille Nangaa, nouvelle cible de l’IGF

Directement pris à partie, Denis Kadima a d’abord laissé Didi Manara, son deuxième vice-président, monter au créneau. Convoquant la presse au QG de la Ceni, le 14 mars, celui-ci a affirmé que Corneille Nangaa n’avait « aucune leçon à donner », qu’il ne pouvait « se comparer à Denis Kadima », qu’il avait « laissé plusieurs cadavres dans son placard » et avait « manqué à son devoir de réserve ». Enfin, il a rappelé que sa nomination à la tête de la Ceni, en 2015, n’avait pas davantage fait l’objet d’un consensus que celle de Kadima.

« Il est étonnant que Corneille Nangaa, qui a publié les résultats des dernières élections de manière globale, exige aujourd’hui de l’actuel bureau qu’il publie les statistiques d’enrôlement bureau de vote par bureau de vote », a également taclé Didi Manara.

Garde rapprochée supprimée

Coïncidence ? Le 23 mars, Denis Kadima a retiré les gardes qui avaient été affectés à la sécurité de Corneille Nangaa et qui étaient encore pris en charge par la Ceni. Pour justifier cette décision, il a argué que son prédécesseur était désormais engagé en politique. Et, pour faire bonne mesure, il a également retiré ses gardes du corps à Norbert Basengezi, un ancien vice-président de la Ceni lui aussi revenu en politique.

Me Joseph Ilunga, l’avocat de Corneille Nangaa, n’a pas tardé à réagir, reprochant à Denis Kadima d’avoir agi selon les « humeurs du moment ». « Cette sécurité ne procède nullement d’une quelconque faveur relevant du bon vouloir de l’actuel président de la Ceni, comme ce dernier le prétend », a-t-il insisté, rappelant que la sécurité de son client est une obligation légale due aux anciens chefs d’institutions. Selon nos informations, Nangaa a rapidement demandé à la police nationale de lui octroyer de nouveaux gardes. Le dossier est en attente.À LIRERDC : comment Corneille Nangaa plaide sa cause auprès de Washington

Mais d’où vient la querelle qui oppose Kadima à Nangaa ? « N’étant pas parvenu à se défaire des sanctions américaines – et ce, bien qu’il a payé des lobbyistes pour l’y aider –, embourbé dans un scandale minier en Ituri, Corneille Nangaa a peut-être accumulé des frustrations, lâche un proche conseiller de l’actuel président de la Ceni. Et, comme il ne peut pas s’attaquer directement au pouvoir, qui n’a pas plaidé sa cause lors de la dernière visite d’Antony Blinken [le secrétaire d’État américain] à Kinshasa [en août 2022], il tente de discréditer le processus électoral et de se positionner politiquement. »

« En lançant son parti, Corneille Nangaa a présenté une offre ambitieuse et innovante pour la RDC, fondée sur sa conviction que l’État est défaillant et qu’il faut le refonder, répond un proche de l’intéressé. Ses prises de position sur la Ceni sont objectives et constructives. C’est un acteur politique, et il a repris sa liberté de parole. »

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