POLITIQUE
En RDC, dispersion brutale de la marche de l’opposition
La police a usé de gaz lacrymogènes et procédé à plusieurs interpellations lors de la manifestation organisée à l’appel des opposants Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Matata Ponyo Mapon et Delly Sesanga.
20 mai 2023 à 14:33
Par Stanis Bujakera Tshiamala – à Kinshasa
Mis à jour le 20 mai 2023 à 14:46

C’est peut-être l’image de cette journée : un enfant brutalement interpellé, traîné au sol, roué de coups et embarqué de force dans un fourgon de la police congolaise. À Kinshasa, sur l’axe Kianza et sur l’avenue de l’Université, où Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Matata Ponyo Mapon et Delly Sesanga avaient donné rendez-vous à leurs militants ce samedi 20 mai, la tension est vive. « Regardez comment ils agissent avec violence », s’indigne une militante d’Ensemble pour la République, le parti de Moïse Katumbi, candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle.À LIREEn RDC, les manifestations peuvent-elles tourner à l’affrontement à Kinshasa ?
Des heurts ont éclaté dans la matinée entre manifestants et forces de l’ordre alors que l’opposition congolaise avait appelé à protester contre le processus électoral, considéré comme chaotique, et plus largement contre l’insécurité et la vie chère en RDC à huit mois des élections générales.
Gaz lacrymogènes
Le cortège, parti de Ngaba, une commune de la banlieue de Kinshasa, s’est ébranlé dans le calme, entonnant des chants hostiles au pouvoir et au président Félix Tshisekedi. Mais il a vite été stoppé par des éléments de la police, qui ont fait usage de violence et lancé des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. La situation n’a pas tardé à dégénérer, se transformant en une véritable bataille rangée, jets de pierre contre gaz lacrymogènes. L’armée, à travers la police militaire, a participé aux opérations.À LIREKamerhe, Bemba, Kabuya… Comment l’Union sacrée se structure avant la présidentielle
« Ils sont en train de tirer avec des gaz lacrymogènes, au début c’était avec des balles réelles et tout ça, [tout ça] c’est M. Tshisekedi », dénonce Moïse Katumbi. « Même sous le président Joseph Kabila, on n’avait jamais vu ça, c’est de la dictature », renchérit Matata Ponyo Mapon, lui aussi candidat à la magistrature suprême, quoique empêtré dans des problèmes judiciaires. Le mouvement citoyen Lucha a pour sa part appelé les Congolais à résister « pour sauver le processus électoral pris en otage par Felix Tshisekedi ». Quelques minutes plus tard, l’un de ses membres – Bienvenue Matumo – a été interpellé par les forces de l’ordre.
Nombreux blessés
Difficile d’établir un bilan à la mi-journée, mais de nombreux manifestants ont été arrêtés et les blessés se comptent par dizaines. La police a accusé les opposants d’avoir installé des barricades et de ne pas avoir pas respecté l’itinéraire de la marche. « La police se comporte bien sur terrain, ce sont les manifestants qui s’attaquent aux policiers. Au moins deux d’entre eux ont été blessés », a rétorque Sylvano Kasongo, le numéro 1 de la police de Kinshasa, contacté par Jeune Afrique.À LIREFace à Félix Tshisekedi, jusqu’où ira l’union de l’opposition ?
Le jeudi 18 mai, le gouverneur de la capitale, Gentiny Ngobila, avait finalement autorisé la marche de l’opposition, mais imposé un itinéraire précis, rejeté par l’opposition.
Le gouverneur avait également autorisé ce samedi une marche de la jeunesse de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, au pouvoir). Au même moment se tenait aussi le meeting de l’Alliance des Congolais progressistes (ACP), le parti de Gentiny Ngobila.
L’opposition a promis des nouvelles manifestations dans les prochaines semaines dans l’objectif, dit-elle, de faire plier Félix Tshisekedi. À huit mois des élections, le décor est déjà planté et la tension est vive.