POLITIQUE
Présidentielle en RDC : les grandes manœuvres des soutiens de Denis Mukwege
Ces dernières semaines, le Prix Nobel de la paix s’est entretenu avec de nombreuses personnalités, tandis qu’un regroupement politique le soutenant a déposé une liste pour les législatives. Une étape supplémentaire vers sa propre candidature à la présidentielle du 20 décembre ?
2 août 2023 à 12:43
Par Romain Gras et Stanis Bujakera Tshiamala
Mis à jour le 2 août 2023 à 16:13

Ira ou n’ira pas ? Depuis plus d’un an, les rumeurs vont bon train. À un mois de l’ouverture des candidatures pour l’élection présidentielle du 20 décembre, le gynécologue Denis Mukwege n’a toujours pas officiellement tranché quant à sa participation au scrutin.À LIREDenis Mukwege, le goût du risque
Une partie de son entourage assure que sa décision est prise et qu’il n’attend plus que le bon moment pour se déclarer. L’autre estime qu’une telle candidature serait trop risquée et qu’elle pourrait nuire à son image de prix Nobel. L’intéressé s’est toujours montré évasif sur le sujet, se limitant en public à dire que « si le peuple s’organisait » il « considèrerait son appel. »
Discret regroupement politique
Denis Mukwege multiplie les déclarations relatives au processus électoral et continue, en coulisses, de consulter la classe politique, tandis que plusieurs de ses soutiens s’activent pour poser les jalons d’une future candidature.
Le 19 mai, il a tout d’abord nommé Albert Moleka au poste de conseiller spécial. Un choix loin d’être anodin, compte tenu du profil de ce dernier. Moleka a été l’un des plus proches collaborateurs d’Étienne Tshisekedi. Directeur de cabinet de l’emblématique opposant pendant de nombreuses années, cet adversaire de Félix Tshisekedi est resté un acteur discret et connecté de la scène politique congolaise.
Le célèbre médecin s’appuie aussi sur un réseau de soutiens installés en RDC et en Europe. Parmi eux, figure notamment le pasteur Roger Puati, basé en Suisse. Ce dernier appuie Denis Mukwege depuis plusieurs années. Le 30 juin 2022, il a été l’un des signataires d’une lettre appelant sa candidature, aux côtés d’autres personnalités de la société civile comme le professeur Alphonse Maindo.À LIRERDC : chez les Tshisekedi, la politique en famille
Roger Puati joue aujourd’hui un rôle central au sein du camp qui pousse en faveur d’une participation de Mukwege au scrutin du 20 décembre. Selon nos informations, il a été désigné fin juillet à la tête de l’Alliance des Congolais pour la refondation de la Nation (ACRN), un regroupement politique discrètement mis en place en mai dernier. Cette nomination s’est faite, selon plusieurs sources dans l’entourage de Denis Mukwege, sur décision de celui-ci. Contacté, Roger Puati souligne, sans plus de précisions, que les différentes composantes du regroupement ont soutenu ce choix.
« Référent »
L’ACRN chapeaute huit partis. Elle constitue aujourd’hui la composante politique censée soutenir une éventuelle candidature du prix Nobel, même si deux sources concernées par ce dossier assurent que Denis Mukwege n’est pas directement impliqué dans sa gestion. L’un de ses proches reconnaît toutefois qu’il a déjà tenu des réunions avec des membres du regroupement.
Si les statuts de l’ACRN, déposés le 18 mai, ne mentionnent pas explicitement le nom de Denis Mukwege, ils précisent toutefois que ses membres s’engagent à « soutenir le leadership et la vision » du « référent », la plus haute autorité prévue dans la structure du regroupement. Plusieurs sources ont confirmé à Jeune Afrique que ce « référent » mentionné dans les statuts n’est autre que Denis Mukwege lui-même. Si ce dernier hésite toujours à aller à la présidentielle, l’ACRN a, selon nos informations, déposé plusieurs candidatures pour les élections législatives de 2023.
Rendez-vous politiques
En attendant d’officialiser sa décision, Mukwege poursuit ses consultations avec la classe politique. Ces dernières semaines, il a rencontré plusieurs personnalités, comme le député Claudel Lubaya, le président du Conseil national de suivi de l’Accord de la Saint Sylvestre, Joseph Olenghankoy, ou encore Moïse Katumbi, avec qui il a échangé le 19 juillet.
Certaines des personnalités rencontrées estiment pour l’instant que les structures sur lesquels s’appuie le médecin congolais sont politiquement trop faibles pour espérer peser lors des prochaines élections. D’autres, comme le député Ados Ndombasi, qui a récemment quitté le parti de Martin Fayulu, envisagent, selon nos informations, de rejoindre le regroupement du prix Nobel.À LIREMoïse Katumbi : « Face à Félix Tshisekedi, l’opposition ne peut que gagner »
Reste à savoir si, en cas de candidature, Denis Mukwege parviendrait à peser réellement et à rassembler derrière lui. Plusieurs personnalités d’opposition ont déjà annoncé leur candidature. L’élection présidentielle congolaise se déroulant en un seul tour, les adversaires de Félix Tshisekedi savent que l’union reste le seul moyen de peser face au président sortant.