POLITIQUE

Présidentielle en RDC : Matata Ponyo Mapon trace sa route… malgré les doutes

L’ancien Premier ministre de Joseph Kabila est le premier candidat déclaré à la magistrature suprême à présenter son programme. Mais il pourrait aussi être bientôt rattrapé par des poursuites judiciaires pour des affaires de détournements présumés de fonds publics.

7 août 2023 à 16:50

Par Socrate Nsimba

Mis à jour le 7 août 2023 à 16:50

L’ex-Premier ministre de Joseph Kabila et ancien ministre des Finances, Matata Ponyo Mapon, en avril 2012. © Baudouin Mouanda pour JA

Ancien ministre des Finances, puis Premier ministre de Joseph Kabila – avec à la clé un record de longévité à la primature –, Matata Ponyo Mapon s’est davantage construit une réputation de technocrate et d’adepte des chiffres macro-économiques, que celle d’un homme de terrain et d’amoureux des bains de foules. Mais cela ne l’empêche pas de briguer la magistrature suprême, à sa manière.À LIREPrésidentielle de 2023 en RDC : les fidèles de Matata Ponyo Mapon

Le 2 août, dans son Kindu natal, dans la province de Maniema, le candidat de Leadership et gouvernance pour le développement (LGD, son parti, créé en 2022) a ainsi présenté son programme de société. Un long texte de 50 pages, consulté par Jeune Afrique, et qui s’articule autour de ce qu’il appelle « quatre priorités stratégiques » dans les secteurs de la défense et de la sécurité, des infrastructures, de l’industrie et des réformes étatiques.

15 % du budget à la Défense

Matata Ponyo Mapon promet par exemple de faire passer le budget alloué à la défense et à la sécurité de 6 % à 15 % et de donner une « réponse intégrée mêlant des stratégies de sécurité et de développement économique », particulièrement dans l’est du pays, en proie à une crise sécuritaire depuis trois décennies. Dans les infrastructures, il prévoit la construction de 1 000 kilomètres de routes agricoles et un vaste projet routier devant relier Kinshasa aux villes de Kisangani, Lubumbashi, Goma et Mbandaka.À LIREDans l’est de la RDC, Félix Tshisekedi privatise-t-il la guerre contre le M23 ?

Chaque province devrait aussi bénéficier d’environ 100 kilomètres de routes. Par ailleurs, Matata Ponyo Mapon affirme vouloir consacrer 15 % du budget national à la construction du tissu industriel du pays, via l’hydroélectricité, l’agro-industrie, et explique vouloir concentrer ses efforts dans la réforme et la rationalisation des institutions congolaises.

Mais aura-t-il une chance d’appliquer ce programme ? « Mon ambition de briguer la présidence est ancrée dans ma conviction profonde, celle d’éveiller dans mes concitoyens un sentiment de confiance renouvelée en leur potentiel », déclare-t-il. Mais, poursuivi par la justice dans des affaires de détournements présumés de fonds lorsqu’il était Premier ministre, l’homme à la cravate rouge pourrait rapidement être contrarié dans ses ambitions.À LIREEn RDC, Matata Ponyo Mapon bientôt de retour devant la justice ?

Le 12 juillet, le procureur général, Jean-Paul Mukolo, est ainsi passé à la vitesse supérieure en demandant, dans un courrier, au président de la Cour constitutionnelle d’ouvrir le procès contre l’ancien dirigeant pour détournement de plus de 115 millions de dollars du projet de parc agro-industriel de Bukanga Lonzo et de près de 90 millions de dollars de construction du marché international de Kinshasa.

Acharnement politique ?

Le concerné, qui avait refusé quelques jours avant de répondre à la convocation du procureur, a toujours clamé son innocence. Il a plusieurs fois évoqué un acharnement politique, déclenché parce qu’il aurait refusé d’adhérer à l’Union sacrée du président Félix Tshisekedi et choisi de se porter candidat à la présidentielle.

Matata Ponyo Mapon se pensait même tiré d’affaire lorsqu’en novembre 2021 la Cour constitutionnelle s’était déclaré « incompétente » pour juger un ancien Premier ministre. Mais, un an plus tard, la même cour – dirigée par Dieudonné Kamuleta, qui a remplacé Dieudonné Kaluba dans des circonstances controversées –, a finalement reconnu sa capacité à juger un ancien Premier ministre pour des faits commis à « l’occasion de l’exercice de ses fonctions ».À LIREMoïse Katumbi : « Face à Félix Tshisekedi, l’opposition ne peut que gagner »

Dans le camp au pouvoir, on rejette les accusations « d’acharnement politique » avancées par Matata Ponyo Mapon. « Existe-t-il une seule personne dans ce pays qui perdrait le sommeil parce qu’il [Mapon] veut être candidat ? », interroge Nicolas Kazadi, ministre des Finances et cadre de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti présidentiel dans une interview accordée au journal Le Soft en février.

Le ministre ne se prive pas, en outre, de remettre en question le poids politique de son devancier au portefeuille des finances, qui ne se serait porté candidat à la présidentielle que pour se protéger de « tous les dossiers criminels qui l’accablent ». En réponse, Matata Ponyo Mapon n’hésite pas à accuser son successeur de bloquer le paiement de près de deux millions de dollars de prestations dues selon lui à son cabinet d’études, Congo Challenge.

« Ouvert aux alliances »

La question du poids politique de Matata Ponyo Mapon revient régulièrement à Kinshasa. S’il peut revendiquer une popularité dans son fief, à Kindu, où il a été élu sénateur, Matata Ponyo doit en effet encore prouver qu’il est capable d’acquérir une envergure plus nationale. Cité parmi les prétendants dauphins de Joseph Kabila en 2018, Emmanuel Ramazani Shadary, originaire comme lui du Maniema, lui avait finalement été préféré, ce qui n’a pas mis fin à ses ambitions.À LIRELa présidentielle en RDC se joue-t-elle à Washington ?

Celui qui est toujours présenté comme un « Kabiliste  » par ses détracteurs – alors qu’il a officiellement quitté le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) en 2021 – s’est également porté candidat aux législatives nationales. Son parti aligne d’ailleurs 310 candidats au niveau national. Quant à la présidentielle, Matata Ponyo Mapon dit être « ouvert aux alliances ».

Depuis avril, il est engagé dans des actions communes avec d’autres candidats déclarés à la présidentielle : Moïse Katumbi, Delly Sesanga et Martin Fayulu. Même s’ils jugent précoce de parler de candidature commune, ces opposants savent que pour faire face à Félix Tshisekedi, qui jouit d’un large soutien au sein de l’Union sacrée avec notamment Jean-Pierre Bemba, Vital Kamerhe ou encore Bahati Lukwebo, il serait sans doute suicidaire de se rendre aux urnes en ordre dispersé.

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