POLITIQUE

Au tribunal, Kabund garde toute sa virulence contre Tshisekedi

Poursuivi notamment pour outrage au chef de l’État, l’ancien homme fort du parti au pouvoir en RDC persiste et signe. Devant ses juges, il a réaffirmé ce 7 août que Félix Tshisekedi représentait un danger pour le pays.

8 août 2023 à 18:20

Par Stanis Bujakera Tshiamala

Mis à jour le 8 août 2023 à 18:20

Félix Tshisekedi et Jean-Marc Kabund. © MONTAGE JA : ANDREW CABALLERO-REYNOLDS/AFP ; GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR JA

Cela faisait de longs mois que Jean-Marc Kabund n’avait plus été vu ou entendu en public. Ce 7 août, l’ancien président par intérim de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, parti au pouvoir) a pris la parole au tribunal où il était présenté, devant juges et ministère public. Fidèle au franc-parler qui le caractérise, il n’a pas mâché ses mots, décrivant le chef de l’État, Félix Tshisekedi, comme un danger pour le pays.

Face à la cour de cassation – devant laquelle il a été renvoyé malgré son opposition –, l’ancien premier vice-président de l’Assemblée nationale doit répondre de douze chefs d’accusation, de l’outrage au Parlement, au gouvernement et à la République à l’offense envers le chef de l’État et la propagation de faux bruits. L’ancien bras droit de Félix Tshisekedi sait qu’il risque une condamnation qui pourrait le rendre inéligible.À LIREEn RDC, Jean-Marc Kabund-a-Kabund et l’espoir d’une libération

Les infractions pour lesquelles il est poursuivi auraient été commises dans le cadre d’une déclaration faite lors d’une conférence de presse, le 18 juillet 2022. Au cours de l’audience de ce 8 août, il est donc revenu sur l’une des phrases fortes qu’il avait alors prononcées, décrivant, déjà, Félix Tshisekedi comme « un danger au sommet de l’État » et appelant à la venue d’un nouvel ordre politique incarné par son parti, Alliance pour le changement.

« Le pays court un danger »

En tenue de prisonnier, Jean-Marc Kabund a expliqué : « J’ai demandé au peuple de tout mettre en œuvre pour que Félix Tshisekedi soit écarté lors des élections parce que je considère que le pays court un grand danger sous sa direction. » Ce danger, a-t-il poursuivi, c’est la misère du peuple. C’est l’insécurité persistante dans l’est du pays, le banditisme urbain et les enlèvements. Le danger réside dans l’absence d’un projet social cohérent et d’un programme clair au sommet de l’État. »

Très tranchant, Kabund ajoute : « Parce que le pays court un danger, j’appelle le peuple à ne plus voter pour Félix Tshisekedi et à tout mettre en œuvre pour qu’il ne soit pas à la tête du pays. » Selon lui, ses propos doivent être considérés comme ceux d’un candidat, et non comme ceux d’un citoyen lambda.

J’APPELLE LE PEUPLE À NE PLUS VOTER POUR FÉLIX TSHISEKEDI

« Le ministère public doit comprendre que je me suis exprimé en tant que candidat à la présidence de la République, en tant que président d’un parti politique de l’opposition et en tant que député national », martèle-t-il, avant d’ajouter : « Ce que j’ai dit à l’encontre de Félix Tshisekedi, Étienne Tshisekedi l’avait dit auparavant à l’encontre de Mobutu et de Kabila. Félix Tshisekedi avait lui-même qualifié Mobutu de fou, mais il n’avait pas été arrêté pour cela par Mobutu. »À LIRE7 septembre 1997 : Mobutu, ou la mort d’un dinosaure

Kabund a aussi accusé le pouvoir d’agir plus brutalement que les régimes précédents. « Mon épouse a été condamnée pour des actes que j’ai commis. Maman Marthe n’avait jamais été arrêtée par Mobutu, et l’actuelle première dame n’a jamais été arrêtée par Kabila. » En octobre 2022, Christine Mikombe, l’épouse de Jean-Marc Kabund, avait en effet écopé de six mois de servitude pénale pour imputation dommageable et injures publiques à la suite d’une plainte déposée par le vice-gouverneur de Kinshasa, Gecoco Mulumba.

« Otage » du pouvoir ?

Pour l’Alliance pour le changement, le parti de Kabund, l’ancien proche collaborateur de Félix Tshisekedi est aujourd’hui un « otage » du pouvoir. Sa formation politique a d’ailleurs été exclue de la liste de 910 partis retenus par le ministère de l’Intérieur et transmise à la Commission électorale nationale indépendante pour les prochaines élections. Elle ne pourra donc pas concourir lors des prochains scrutins.

En août 2022, à la suite de la procédure engagée contre lui, Jean-Marc Kabund avait été conduit à la prison centrale de Makala après une série d’auditions au parquet près la Cour de cassation. Ses avocats avaient réussi à obtenir son assignation à résidence surveillée, mais cette décision n’a jamais été exécutée et il est détenu à Makala depuis une année.À LIREMoïse Katumbi et le spectre de « l’affaire des mercenaires »

Le 25 juillet, Paul Nsapu, président de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), a rendu visite à certains acteurs politiques détenus à la prison militaire de Ndolo et à la prison centrale de Makala. « Des visites qui ont permis de comprendre la situation carcérale des prévenus Édouard Mwangachuchu, Salomon Kalonda, Jean-Marc Kabund, Mike Mukebayi et Émile Kaseka », a assuré le président de la CNDH lors d’un point de presse.

« Nous avons échangé avec eux et nous avons décidé de suivre leurs procès pour contribuer à faire éclater la vérité dans ces affaires. » Paul Nsapu plaide pour la libération de tous les prisonniers politiques, dont Jean-Marc Kabund. Mais cette démarche « est bloquée par plusieurs facteurs, dont le comportement de Kabund lui-même, toujours très dur vis-à-vis du président Tshisekedi », explique à Jeune Afrique une source à la présidence.

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