En RDC, la défense d’un élu jugé pour « trahison » dénonce un procès de la « haine »
Interpellé début mars, Edouard Mwangachuchu, élu tutsi de Masisi (Nord-Kivu), est notamment accusé d’« intelligence avec le M23 ».
La défense d’un député en République démocratique du Congo (RDC) accusé de complicité avec les rebelles du M23, et dont le ministère public a requis la perpétuité, a dénoncé lundi 28 août un procès de « discrimination » et de la « haine » lié à l’appartenance ethnique.
Interpellé début mars et accusé notamment de « trahison » ou d’« intelligence avec le M23 », Edouard Mwangachuchu, élu de Masisi (Nord-Kivu) et propriétaire d’une société minière stratégique, est détenu depuis lors et jugé par une cour militaire à Kinshasa.
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Le ministère public a requis vendredi la perpétuité. La défense a estimé lundi que les preuves qu’on a tenté d’apporter contre M. Mwangachuchu « s’articulent autour de son appartenance à l’ethnie tutsi ».
« Nous dénonçons un procès de la haine et de la stigmatisation, basé sur le stéréotype et l’exclusion, un procès de discrimination », a déclaré Me Thomas Gamakolo, porte-parole du collectif des avocats de la défense, lors d’une conférence de presse. « Les trente audiences de ce procès ont été alimentées par un sentiment anti-tutsi et anti-Rwanda savamment entretenu par le ministère public », a-t-il affirmé.
« Une âme rwandaise »
Selon le collectif, les poursuites contre M. Mwangachuchu ont été déclenchées après que « des personnes se présentant comme des “paysans hutu” membres du groupe armé Nyatura [ont] prétendu avoir découvert une cache d’armes sur le site minier de Bibatama appartenant à la SMB [société minière de Bisunzu] ».
M. Mwangachuchu, 70 ans, a été présenté comme un homme qui « a une âme rwandaise [pour s’être rendu au Rwanda]. C’est grave », a estimé Me Gamakolo. « Assimiler un individu à un Rwandais par les temps qui courent, comme a fait le ministère public, c’est le vouer aux gémonies, voire le condamner à mort aux yeux de l’opinion nationale », a-t-il estimé.
Rébellion majoritairement tutsi, soutenue par le Rwanda selon Kinshasa, le M23 (pour « Mouvement du 23 mars ») s’est emparé depuis 2022 de vastes pans de territoires au nord de Goma, capitale du Nord-Kivu. Des experts de l’ONU ont corroboré le soutien du Rwanda, condamné par plusieurs chancelleries occidentales. Kigali conteste, accusant en retour Kinshasa de collusion avec les FDLR, un mouvement hutu constitué par certains auteurs du génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda.
« On veut faire de notre client la victime expiatoire de tous les crimes et autres fautes supposément commis par des Tutsi », a précisé Me Gamakolo. En RDC, l’infraction d’intelligence avec le M23 ou avec le Rwanda a été retenue contre des responsables politiques ou sécuritaires arrêtés ces derniers mois.
Le Monde avec AFP