Présidentielle en RDC : un scrutin sous surveillance
Les Églises, l’UA, le centre Carter… À moins de deux mois des élections, les différentes missions d’observation électorale préparent leurs équipes. Parmi elles, l’Union européenne, qui s’était abstenue en 2018. L’OIF, en revanche, passe son tour.


Publié le 11 novembre 2023Lecture : 4 minutes.
« Que personne ne se fasse d’illusions, il y aura, le 20 décembre 2023, des élections dans le pays. » Mardi 7 novembre à Séoul, Denis Kadima se tient au milieu des « machines à voter » dernier cri, entreposées dans les hangars de la société sud-coréenne Miru Systems et prêtes à être expédiées en RDC. Le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) se trouve à près de 12 000 kilomètres de Kinshasa, mais il insiste : le calendrier électoral sera respecté.
Et la crédibilité ?
Mais, dans un pays encore marqué par le déroulé des scrutins de 2018, l’inquiétude porte autant sur le respect des délais prévus par la Constitution que sur la crédibilité des résultats. Et faute d’avoir obtenu un nouvel audit du fichier électoral, ainsi qu’ils le réclamaient, les adversaires de Félix Tshisekedi, président sortant et candidat à sa réélection, ont fait de la surveillance électorale leur cheval de bataille.
« Notre foi d’aller aux élections repose sur la confiance et la foi en la détermination du peuple congolais d’y participer et de n’accepter aucun résultat octroyé et non mérité ne reflétant pas sa volonté », ont insisté, dans une déclaration commune publiée le 31 octobre, les candidats à la magistrature suprême que sont Denis Mukwege, Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Franck Diongo, Marie-Josée Ifoku et Seth Kikuni.A lire :
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Dans ce contexte de méfiance, le travail des missions d’observation sera scruté de près, et l’opposition compte beaucoup sur celle des Églises catholique et protestante. « Le nombre exact d’observateurs sera déterminé en fonction des moyens que nous aurons », explique à Jeune Afrique l’un de ses responsables. « Mais nous avons déjà mis en place plusieurs scénarios. Nous utiliserons essentiellement deux approches : le décompte parallèle des votes [PVT], qui nous permettra de disposer vite des résultats avant la publication provisoire par la Ceni, et la couverture totale des centres de vote avec au moins un observateur par centre. »
« Une très faible marge d’erreur »
L’objectif est ambitieux puisque la RDC compte plus de 22 500 centres électoraux (ils étaient 17 500 en 2018). Mais cela ne semble pas impressionner les catholiques ni les protestants. « On peut, grâce à l’approche PVT, qui a été expérimentée avec succès dans bon nombre de pays africains comme le Nigeria, le Kenya ou encore le Ghana, avoir des résultats crédibles en un temps record avec une très faible marge d’erreur », assure notre source.A lire :
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La mission d’observation des religieux veut aussi avoir des discussions avec la Ceni avant que celle-ci ne publie les résultats provisoires. « Comme ça, si la Ceni sait que nous avons les vrais résultats, même si la tentation [de tripatouillage] est forte, elle devra se conformer à la vérité des urnes, poursuit notre interlocuteur. Denis Kadima est un fonctionnaire électoral chevronné. Il connaît la pertinence du travail réalisé sur la base du système PVT. Il sait qu’il nous faut travailler ensemble à la transparence des résultats. »
Les autres confessions religieuses, réunies autour de l’Église de réveil du Congo (ERC), ont également promis de déployer plus de 60 000 observateurs. Le président de l’ERC, le pasteur Dodo Kamba, avait indiqué au début du mois d’octobre que son équipe était en train de collecter les moyens logistiques pour cette tâche.A lire :
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Il faudra aussi compter avec la Synergie des missions d’observation citoyenne des élections (Symocel, la deuxième plus grande mission de ce type), et avec Regard citoyen, la nouvelle mission électorale composée de quatre plateformes de la société civile congolaise. Lancé en octobre dernier avec l’appui de Democracy Reporting International (DRI), une ONG dont le siège est à Berlin, financièrement soutenu par l’Union européenne (UE), Regard citoyen compte déployer et former plus de 22 000 observateurs sur l’ensemble du pays.
Grand retour de l’UE
Contrairement à 2018, le gouvernement congolais a l’intention de recevoir toutes les missions d’observation internationales. D’où le grand retour de la mission de l’UE. En début de semaine, Josep Borrell, haut représentant de l’UE, a nommé la députée européenne Malin Björk observatrice en chef de la mission. Treize experts électoraux de l’UE sont attendus à Kinshasa et vont s’associer aux 42 observateurs « de long terme » pour la campagne électorale. Et 12 observateurs « de court terme » seront déployés à l’approche du jour du scrutin.A lire :
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Des habitués, il y en aura aussi, à l’instar de l’organisation américaine Carter Center, qui se plie à l’exercice depuis 2006 et va déployer 12 équipes, essentiellement dans les grandes villes du pays, confirme à Jeune Afrique Nicolas Teindas, le directeur de la mission internationale d’observation électorale du Centre Carter.
Sur le continent, l’Union africaine (UA) prépare le terrain avec l’envoi, ces jours-ci à Kinshasa, d’une mission technique pré-électorale, qui aura des séances de travail avec des responsables de la Ceni et de la Cour constitutionnelle. Les organisations sous-régionales auxquelles appartient la RDC seront également mise à contribution, notamment la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et de Communauté des États de l’Afrique australe (SADC). Cette dernière avait dépêché au mois d’octobre dernier une équipe de son conseil consultatif, laquelle a rencontré les différentes parties impliquées dans le processus.A lire :
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Selon nos informations, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ne va pas, cette fois-ci, envoyer d’observateurs. En mai dernier, elle avait déjà renoncé pour la première fois depuis 2006 à auditer le fichier électoral, au motif que les délais étaient trop courts. L’hostilité exprimée par une partie de la classe politique et de la société civile congolaises à l’égard d’une organisation dirigée par l’ancienne ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, aurait également joué un rôle dans cette décision.