En RDC, la Cenco et l’ECC livrent de premières observations prudentes
Dans leur déclaration préliminaire, la Cenco et l’ECC ont affirmé avoir constaté qu’un candidat s’était « largement démarqué » à ce stade, tout en soulignant des irrégularités susceptibles d’affecter l’intégrité des résultats à certains endroits.


Publié le 28 décembre 2023Lecture : 4 minutes.
Leurs premières observations étaient très attendues. La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et l’Église du Christ au Congo (ECC), deux des plus importantes organisations religieuses de RDC, ont rendu ce jeudi 28 décembre la déclaration préliminaire de leur mission d’observation électorale (MOE) sur le déroulement des élections.
« Climat de méfiance »
Les 20 et 21 décembre, elles avaient déjà effectué trois premières déclarations, relevant de nombreux incidents et couacs logistiques pendant le vote – qui s’est poursuivi plusieurs jours au-delà de la date prévue. Mais ces communiqués n’abordaient pas la question de l’impact de ces dysfonctionnements sur l’intégrité même du processus. Lors de son homélie du 24 décembre, le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, avait pour sa part dénoncé un « gigantesque désordre électoral organisé ».
Ce 28 décembre, dans leur déclaration préliminaire, la Cenco et l’ECC vont donc un peu plus loin et ont offert un compte-rendu plus détaillé, basé sur l’analyse de 42 796 rapports reçus de leurs observateurs en date du 25 décembre. Si elles continuent de recevoir d’autres récits du déroulement des scrutins sur le terrain, elles soulignent que « ce processus électoral s’est déroulé dans un contexte de méfiance entre les différentes parties prenantes ».A lire :
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Cette crispation du climat politique, suscitée notamment par « le manque de consensus lors de la désignation des membres de la Commission électorale nationale indépendante [Ceni] et lors de l’adoption de la Loi électorale », ainsi que par la remise en question de la fiabilité du fichier électoral, « n’a pas permis d’avoir la perception que ce travail avait été mené en toute indépendance ».
Malgré tout, les Églises ont salué « les efforts » fournis par la Ceni et le gouvernement congolais pour la tenue des scrutins du 20 décembre 2023. « Le peuple congolais a bel et bien répondu une fois de plus au rendez-vous de son histoire », estime la MOE, qui remarque aussi la détermination des électeurs en dépit des nombreux incidents constatés dans les bureaux de vote, dont certains ont ouvert plusieurs jours après la date prévue.
« Un candidat s’est largement démarqué »
Cette mission d’observation citoyenne est l’une des plus importantes du pays. Selon les chiffres de la Cenco et de l’ECC, elle était composée de près de 25 000 observateurs. En raison de ces effectifs et du poids de ces Églises dans l’opinion congolaise, cette mission d’observation pèsera un poids non négligeable dans l’acceptation des futurs résultats provisoires qui sont en cours d’annonce par la Ceni.
La Cenco et l’ECC ont aussi mis en place un système de dépouillement parallèle des voix sur la base d’un échantillon de bureaux de vote. Ce travail doit permettre d’évaluer la conformité des résultats annoncés par la Ceni. Leurs représentants n’ont pas communiqué, ce 28 décembre, le détail des chiffres jusque-là compilés. Mais ils ont expliqué avoir constaté grâce à ce dispositif « qu’un candidat s’est largement démarqué des autres avec plus de la moitié de suffrages à lui seul ».
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Les Églises n’ont pas dévoilé le nom du candidat en question. Les résultats partiels actuellement annoncés placent le président sortant, Félix Tshisekedi, largement en tête. À l’issue de cette déclaration du 28 décembre, la MOE n’a pas émis d’avis définitif sur l’intégrité des scrutins. Elle a en revanche expliqué avoir « documenté de nombreux cas d’irrégularités susceptibles d’affecter l’intégrité des résultats en certains endroits ». Prudentes, les institutions religieuses renvoient à la Ceni la responsabilité de mesurer l’impact de ces problèmes.
L’opposition en embuscade
Elles ont ainsi enjoint à la Commission électorale ainsi qu’à la Cour constitutionnelle de tirer « toutes les conséquences qui s’imposent » quant à l’incidence de ces irrégularités, avant de proclamer les résultats provisoires et définitifs des différents scrutins. La Ceni a été invitée à « clarifier le sort » qu’elle réserve aux suffrages recueillis après le 21 décembre, date à laquelle elle avait annoncé que plus aucun bureau de vote et de dépouillement ne pourrait fonctionner.
Dans leurs recommandations, la Cenco et l’ECC ont expliqué qu’il en allait de la crédibilité du processus et de son acceptation par les populations. La Ceni en tiendra-t-elle compte ? Tout en précisant qu’il ne disposait pas du nombre exact de bureaux ouverts en date du 25 décembre, le président de la commission, Denis Kadima, a pour le moment relativisé le problème. « Chacun doit se poser la question : quel est le moindre mal ? Est-ce de respecter le délai d’un jour ou de permettre à tout le monde de participer au processus électoral ? » s’est-il interrogé dans une interview accordée à Actualite.cd.
En RDC, après la contestation, l’opposition à l’épreuve de la mobilisation
Alors que la Ceni poursuit l’annonce des résultats partiels et projette de livrer les résultats provisoires d’ici au 31 décembre, la position des Églises étaient très attendue, notamment au sein de l’opposition. Cette dernière dénonce un processus « frauduleux » et réclame l’annulation et la réorganisation des élections. « Le point de vue des Églises sera déterminant pour la suite de la mobilisation », assurait quelques jours après le vote un candidat rallié à Moïse Katumbi.
Mercredi 27 décembre, une manifestation convoquée par cinq candidats de l’opposition, dont Martin Fayulu, devait se tenir à Kinshasa. Interdite par les autorités, elle a tourné court après des échauffourées entre policiers et manifestants autour du quartier général de Fayulu. Le camp de Moïse Katumbi et de ses alliés ne s’était pas formellement associé à cet initiative. L’ex-gouverneur a toutefois condamné sur X (anciennement Twitter) « la répression » dont les manifestants ont été la cible.
Il a aussi assuré que cette première initiative serait suivie « d’autres actions à travers le pays ». De leur côté, les autorités continuent de saluer le déroulement « paisible » du processus. « Il faut considérer, pour ceux qui attendaient le chaos, que celui-ci n’est pas arrivé et qu’il n’arrivera pas », a assuré le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, lors d’un briefing avec la presse le 26 décembre.