Face au M23 en RDC, la SADC ira-t-elle au front ? 

Des premiers contingents ont été déployés depuis fin décembre, mais le nombre exact de soldats présents dans l’Est, leur mission et leurs moyens demeurent flous. Kinshasa affirme que leur mandat sera offensif.

Des soldats kényans de la force déployée par l’EAC dans l’est de la RDC se préparent à quitter le pays, le 3 décembre 2023. © Photo by Alexis HUGUET / AFP
Des soldats kényans de la force déployée par l’EAC dans l’est de la RDC se préparent à quitter le pays, le 3 décembre 2023. © Photo by Alexis HUGUET / AFP
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Publié le 17 janvier 2024Lecture : 5 minutes.

C’est sans doute le principal chantier auquel Félix Tshisekedi va devoir s’atteler dès le début de son deuxième mandat. Alors qu’il doit être investi le 20 janvier, les combats entre les rebelles du M23, accusés d’être soutenus par le Rwanda, et les milices pro-gouvernementales alliées à l’armée congolaise ont repris. Dans le territoire de Masisi, le cessez-le-feu qui avait été négocié par les États-Unis et qui était entré en vigueur le 11 décembre est donc désormais caduque, et la tension pourrait de nouveau monter autour de Goma, dans le Nord-Kivu.

Nouvel incident à la frontière

Félix Tshisekedi tente depuis des mois d’améliorer son dispositif sécuritaire sur place, lequel repose à la fois sur l’armée congolaise (FARDC), les groupes armés évoluant sous les bannières “Wazalendo” et « volontaires de défense de la patrie » (VDP), les drones chinois CH-4 et sur les sociétés militaires privées déployées depuis plus d’un an dans cette partie de l’est de la RDC. Éprouvé par l’offensive des Wazalendo au début du mois octobre dernier, le M23 a depuis repris du terrain et progressé dans le Masisi.A lire : 

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Ces derniers jours, des affrontements sporadiques y ont eu lieu. Le Rwanda a annoncé, le 16 janvier, que trois soldats congolais avaient franchi la frontière et que l’un d’eux avait été abattu après avoir ouvert le feu sur des militaires rwandais. L’armée congolaise a confirmé ce bilan, tout en affirmant que ces militaires avaient franchi la frontière « par inadvertance ».

Premier décaissement

Après avoir longtemps manifesté leur mécontentement vis-à-vis de la force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), Kinshasa a finalement refusé de prolonger son mandat, qui expirait le 8 décembre dernier. Félix Tshisekedi, qui reprochait au contingent de l’EAC son inaction, voire sa « complicité » avec les rebelles, espère désormais pouvoir compter sur la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) pour appuyer l’effort de guerre face au M23.A lire : 

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Décidé le 8 mai 2023, le déploiement de la SAMIDRC (acronyme de la force régionale de la SADC) a tardé à se mettre en place. D’abord ralentis par une ultime prolongation, en septembre dernier, du mandat des hommes de l’EAC, les premiers contingents d’Afrique australe sont arrivés en toute discrétion à Goma, courant décembre. Auparavant, la RDC avait décaissé 60 millions de dollars, selon plusieurs sources officielles congolaises, pour le budget de cette force.

Saké comme base ?

La SAMIDRC sera à terme composée de troupes sud-africaines, tanzaniennes et malawites. Elle est dirigée par le général-major sud-africain Monwabisi Dyakopu, un ancien commandant de la Brigade d’intervention de la Monusco (la FIB). Il sera secondé par le général de brigade Desmond Chawanda, ancien commandant adjoint de l’armée de terre du Malawi.

Les autorités congolaises entretiennent pour le moment un flou sur les modalités de ce nouveau déploiement. Si certains diplomates évoquent la présence d’environ 200 soldats, d’autres sources sécuritaires affirment que ce chiffre a augmenté ces derniers jours et que le rythme des arrivées s’intensifie.A lire : 

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D’autres troupes sont en tout cas attendues avant la fin janvier et le secrétaire exécutif de la SADC,  le Botswanais Elias Magosi, sera à Goma le 21, au lendemain de l’investiture de Félix Tshisekedi. Selon nos informations, la SAMIDRC envisage d’établir sa base à Saké, une localité située au nord-ouest de Goma, où les FARDC occupent le camp de Mubambiro. Il est également envisagé que la SAMIDRC soit déployée aux abords de sites stratégiques, dont l’aéroport de Goma.

Mandat d’un an

La principale inconnue à ce stade demeure l’attitude que vont adopter les troupes de la SADC sur le terrain. Signé le 17 novembre dernier, « l’accord de statut des forces » (Sofa) n’a jamais été rendu public. Un document interne de la SADC, daté du 14 décembre, présente malgré tout les grandes lignes du mandat de la SAMIDRC tel que convenu lors du sommet de Luanda, qui s’est tenu en août dernier.

Selon ce document, consulté par Jeune Afrique, le déploiement est prévu pour une durée initiale de douze mois, renouvelable « en fonction de l’évolution de la situation sécuritaire sur le terrain ». Une évaluation devra être réalisée deux mois avant l’expiration du mandat initial.A lire : 

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Toujours selon ce document, la force a pour mandat « d’aider la RDC à neutraliser les forces négatives et les groupes armés dans l’est de la RDC, afin de rétablir et de maintenir la paix et la sécurité » et de « soutenir les FARDC en leur fournissant une assistance logistique, terrestre, aérienne et maritime, afin de renforcer leurs capacités militaires opérationnelles ».

« Éradiquer le M23 »

Ce document ne fait aucune mention explicite du M23 – c’était déjà le cas du Sofa de la force est-africaine. Sur le papier, les contingents de l’EAC avaient pour but de “planifier et mener conjointement des opérations avec les FARDC pour vaincre les éléments des groupes armés dans l’est de la RDC”. Ils avaient ensuite été critiqués par les autorités congolaises pour ne pas avoir adopté une démarche offensive face au M23.A lire : 

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La SADC ira-t-elle au front ? Pour le ministre congolais des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, cette question est déjà tranchée. « Cette force va être déployée pour appuyer l’armée congolaise à combattre et éradiquer le M23 et d’autres groupes armés qui continuent de perturber la paix et la sécurité en RDC », a-t-il déclaré le 17 novembre.

« Bien équipés, bien entraînés »

Le 16 janvier, à l’issue d’une réunion conjointe avec des officiers de la SAMIDRC, le général Fall Sikabwe, qui pilote les opérations au Nord-Kivu, a lui aussi affirmé que le mandat de la force était offensif. « Ce sont des professionnels, des gens bien équipés, bien entraînés, des unités capables de renverser la situation sur le terrain », a-t-il déclaré au sujet des troupes de la SADC. Présent, le général-major Monwabisi Dyakopu n’a pas pris la parole.

Le 4 janvier, dans le communiqué qui annonçait le déploiement de la SAMIDRC, la SADC avait affirmé que ses troupes étaient là pour collaborer avec les FARDC et « lutter contre les groupes armés opérant dans l’est de la RDC ».A lire : 

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Plusieurs sources affirmaient toutefois ces derniers jours que la force n’était pas encore opérationnelle. Selon nos informations, la SADC avait adressé fin novembre une demande de soutien à la patronne de la mission onusienne en RDC, la Guinéenne Bintou Keïta.

Le secrétaire exécutif de la SADC sollicitait notamment la remise de certaines bases après le retrait progressif de la Monusco. Celui-ci a débuté dans le Sud-Kivu et doit se poursuivre dans les prochains mois au Nord-Kivu et en Ituri. La SAMIDRC espérait bénéficier d’un soutien dans le domaine aérien, médical ainsi qu’un partage de différents moyens de renseignement, surveillance et reconnaissance, comme des drones. Une demande à laquelle la Monusco n’avait pas donné suite.

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