POLITIQUE
RDC-Rwanda : fin de la lune de miel entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame
Mise en garde, suspension des vols de la compagnie Rwandair, convocation d’ambassadeur… Kinshasa hausse le ton contre le Rwanda, qu’il accuse de soutenir la rébellion du M23.
28 mai 2022 à 14:55
Mis à jour le 28 mai 2022 à 15:48

Pour les officiers congolais, cela ne faisait aucun doute. Mais Kinshasa a longtemps hésité à accuser officiellement le Rwanda de soutenir la rébellion du M23, théoriquement défaite militairement depuis 2013 mais de nouveau active ces derniers mois dans l’Est. « La situation était connue du président, résume un membre de l’entourage de ce dernier. Mais il tenait à éviter une escalade et ne voulait privilégier que la voie diplomatique. »
« Ces dernières semaines toutefois, reprend notre interlocuteur en référence aux affrontements qui ont opposé l’armée congolaise au M23, la pression était devenue trop forte. » À la suite d’une réunion du Conseil supérieur de la défense, tenue ce vendredi 27 mai et élargie aux présidents des deux chambres du Parlement, Félix Tshisekedi s’est donc résolu à hausser le ton à l’égard de Kigali.
« Soutien de l’armée rwandaise »
Désormais, Kinshasa dit considérer le M23 comme « un mouvement terroriste », qui « sera traité comme tel et [qui est] de ce fait exclu du processus des discussions de Nairobi ». Considérant l’attitude de Kigali comme étant de nature à perturber le processus de paix en cours depuis avril dans la capitale kényane, les autorités ont également annoncé la suspension immédiate des vols de la compagnie Rwandair à destination de la RDC. L’ambassadeur du Rwanda, Vincent Karega, a en outre été convoqué.
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Les autorités congolaises se disent désormais convaincues que le M23, qui est passé à l’offensive dans plusieurs localités du territoire de Rutshuru (Nord-Kivu), bénéficie du soutien de l’armée rwandaise. Elles en veulent pour preuve notamment le matériel militaire retrouvé en possession des rebelles, ainsi que des témoignages recueillis auprès de la population. « Cette attitude récidiviste vise clairement à torpiller les efforts de pacification engagés dans le cadre du processus de Nairobi », accuse Kinshasa.
« Conflit intra-congolais »
De son côté, Kigali a plusieurs fois démenti apporter un quelconque soutien au M23. Le 23 mai, alors que les combats s’intensifiaient entre l’armée congolaise et les rebelles, le Rwanda a, à son tour, accusé les militaires congolais d’avoir procédé à des tirs de roquettes sur son territoire et demandé l’ouverture d’une « enquête urgente ».
« Les combats entre les FARDC [forces armées congolaises] et le M23 sont un conflit intra-congolais. Le ministre des Affaires étrangères de la RDC devrait expliquer pourquoi les FARDC combattant aux côtés des FDLR/Interahamwe dans leurs rangs ont bombardé le territoire rwandais le 19 mars 2022 et à nouveau le 23 mai 2022 », a rétorqué le gouvernement rwandais.
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Les relations entre la RDC et le Rwanda ont toujours été difficiles. Les deux guerres du Congo, dans lesquelles les armées de plusieurs pays voisins ont été impliquées, ont déstabilisé en profondeur les Kivus. Depuis, la RDC a plusieurs fois accusé le Rwanda de soutenir des groupes armés opérant sur son territoire. L’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir, début 2019, avait toutefois marqué un début de détente : la RDC et le Rwanda ont signé ces derniers mois plusieurs accords de coopération et la RDC a rejoint, fin mars, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC).