Lettre Ouverte du CET
· Au Secrétaire Général Des Nations Unies
· Aux Ambassadeurs des Etats Membres Permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Concerne: Proposition pour mettre fin à l’instabilité récurrente à l’Est de la RDC entretenue par les attaques rwandaises.
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les Représentants des États membres du Conseil de Sécurité,
Nous sommes le CET, un groupe de réflexion et d’action, regroupant des professionnels congolais dans différents domaines, résidant en RDC et en dehors de la RDC, et nous préconisons une transition technocratique apolitique pour stabiliser la RDC. Nous n’avons aucun intérêt particulier si ce n’est l’intérêt national de la RD Congo pour le service du peuple congolais qui souffre tant depuis des décennies.
Le CET, en tant que « Corps Exécutif de Tansition » n’a pas l’ambition de s’installer au pouvoir au-delà de la période transitoire qui lui est donnée pour stabiliser le pays via la stabilisation de l’État congolais et la consolidation des institutions avec l’aide des pays amis du Congo. Cela suppose, qu’au-delà du mandat transitoire qui est attribué au CET, tous les membres de cet organe qui sont avant tout des professionnels se retirent pour regagner leurs professions habituelles après avoir installé une administration technocratique (composés de gens qualifiés et compétents) et laissé la place à l’organisation des élections démocratiques ( justes, libres et transparentes), de même qu’à une mandature normale et régulière.
Nous avons salué la décision du Conseil de Sécurité de l’ONU du 7 février2023 condamnant fermement « tout soutien extérieur aux acteurs armés non étatiques, y compris au M23 ».Toutefois, nous estimons que le Conseil de Sécurité peut et doit faire davantage pour réduire l’instabilité en RDC, en allant surtout au-delà de simples paroles de condamnation des fauteurs du chaos en RDC pour des sanctions exemplaires comme on le voit dans le cas de la guerre en Ukraine.
Le 6 janvier 2016, nous vous avions déjà adressé un courrier pour le rétablissement d’une paix durable en RDC en prévision des élections de 2018. Depuis, la situation n’a fait qu’empirer. Nous croyons que le Conseil de sécurité de l’ONU a les moyens conséquents et la sagesse nécessaire pour solutionner cette situation tragique congolaise qui n’a fait que durer et a meurtri toute la RDC et son peuple.
Avec la réémergence du M23, on compte des centaines de morts et plus de 500 000 déplacés internes (chiffres de l’ONU) au Nord-Kivu. Par ailleurs, rappelons qu’en raison de la démographie (105 millions de personnes) et du risque de contagion aux neuf pays frontaliers de la RDC, la crise actuelle déclenchée par le M23 représente une grave menace à la paix non seulement africaine mais aussi mondiale.
C’est ce qui nous a convaincus de vous adresser le présent mémorandum, dans l’espoir de retenir votre bienveillante attention.
Ce mémorandum comprend deux points :
1) un diagnostic sommaire de la situation actuelle en RDC ;
2) des propositions pour la réduction de l’instabilité et de la tragédie en cours.
I. CAUSES DE L’INSTABILITÉ RÉCURRENTE ET DE LA TRAGÉDIE EN COURS EN RDC
Dans le présent mémorandum, l’accent sera mis sur les causes de l’accélération de l’insécurité consécutive à la réémergence du M23.
Ces causes sont :
1. La passation de pouvoir à la tête de la RDC n’a pas consolidé la stabilité du pays, bien au contraire. Et ce, du fait de la structure du régime présidentiel, qui n’a pas prévu de garde-fous : un problème de discernement et de vision de la part du leadership national. Ainsi, le régime présidentiel institué par la Constitution de la RDC pose des menaces pour la stabilité de la nation. Car si le régime présidentiel a des avantages (rapidité de la prise de décision), ses faiblesses sont patentes en RDC : concentration du pouvoir aux mains du Président, menant à la personnalisation du pouvoir ; coût élevé du système (nombre pléthorique de conseillers à gérer, démarrage de programmes sans études sérieuses de faisabilité, dans un but électoral) ; gestion déficitaire sinon chaotique de ressources financières du pays par la présidence qui en abuse pour s’inféoder les autres institutions (avec autant de détournements continuels de l’argent du Trésors Public) ; lobbying à la présidence qui encourage la corruption, etc.
Dans d’autres pays, des garde-fous ont été mis en place pour empêcher les faiblesses et les abus du régime présidentiel de menacer la stabilité du pays. Ce qui n’est pas le cas en RDC.
2. L’or exploité au Congo est le premier produit d’exportation de l’Ouganda et du Rwanda. En 2020, l’or a représenté 61% des exportations de l’Ouganda et 70 % du Rwanda, en valeur (source Banque mondiale/ONU). Cet or congolais, qui constitue les premiers produits d’exportation de ces pays, représente un manque à gagner d’au moins 4 milliards de dollars par an pour la RDC (soit 8% de notre PIB et bien plus que nos exportations de cobalt). Qui plus est, dans son plan de développement (2020-2024), le Rwanda comptait doubler la valeur de ses exportations d’or en provenance de la RDC (environ 2 milliards de dollars).
L’attribution de zones d’exploitation est la cause principale de ce problème. En effet, le Rwanda, considérant le Kivu (Nord Kivu, Sud Kivu, Maniema) comme sa zone d’influence et zone d’exploitation, s’était senti lésé que l’Ouganda (ayant comme zone d’exploitation l’Ituri, y compris le Kivu) ait obtenu des concessions. Ainsi, le Rwanda a provoqué une guerre par procuration à partir de la frontière de la RDC et de l’Ouganda à Bunagana.
3. L’Objectif des Reformes du Secteur de Sécurité ( RSR) tel qu’annoncé en 2003 était de construire un secteur sécuritaire capable de défendre le territoire national et ses habitants contre des agents étatiques et non étatique étrangers, de rendre compte aux autorités civiles, de respecter et faire respecter l’état de droit et les droits de l’homme. Après deux décennies de réforme, quel est le résultat?
En 2021, 6 989 cas de violations des droits humains ont été documentes contre des civils, 60 % par des groupes armés et 40 % par des agents de l’État. Les groupes armés profitent de la faiblesse de l’État pour s’imposer comme des administrations de facto dans des étendues du territoire national. Le nombre massif des violations des droits humain et la réapparition du M23 et sa progression presque sans grande résistance de la part des FARDC sont la preuve du fiasco du RSS.
4. Par ailleurs, en l’absence d’une justice efficace, les discours de mobilisation de masse basés sur l’ethnicité sont redevenus à la mode, altérant ainsi la cohésion nationale. Nous condamnons la discrimination des Banyarwanda congolais, et dénonçons la stratégie de pyromane-pompier que pratique le Rwanda de Paul Kagame pour des desseins inavoués liés, particulièrement, à la prédation des ressources naturelles congolaises.
Ainsi, l’agression par le M23 avec le soutien des troupes rwandaises a déjà causé des centaines de morts (sans oublier que cela continue) et plus de 500 000 déplacés (chiffres de l’ONU), et continue d’enflammer les tensions communautaires. Kagamé souffle sur la braise des antagonismes ethniques pour affaiblir la RDC.
Par ailleurs, la campagne électorale qui a débuté de façon prématurée accélère le discours de stigmatisation des élites banyarwanda pour la simple raison que celles-ci agissent en traîtres en faveur du Rwanda et contre la RRC. Et la justice n’agit pas en conséquence pour ramener le calme.
5. Il y a également la question du changement de la structure opérationnelle de la MONUSCO. Dans notre courrier de 2016, nous nous demandions « ce qu’aurait été le sort du peuple congolais si les attaques de puissances étrangères par le biais du M23 étaient survenues après un éventuel retrait total des troupes de l’ONU ». Cette probabilité est devenue presque une réalité aujourd’hui.
Alors que l’insécurité à l’Est du pays (RDC) s’est aggravée avec la résurgence du M23, certains politiciens proches du pouvoir et certains membres de la société civile ont réussi à mobiliser les communautés locales contre la présence des forces de la MONUSCO empirant davantage la situation; et ce, sans être inquiétés par la justice, alors qu’il y a parfois mort d’hommes. Cette approche est, malheureusement, à déplorer et devrait être corrigée sans tarder.
Certes, depuis plusieurs mois, les troupes de la CAE (Communauté des États de l’Afrique de l’Est) se sont déployées à l’Est de la RDC, mais leur inefficacité apparente pose le spectre de la « somalisation » de la RDC. La présence des troupes de la CAE ne se justifie pas en RDC à moins de changer sa mission et donc sa vocation en lui accordant une mission offensive contre le M23; et surtout si elles doivent être financées par l’ONU. Il vaut mieux dépendre de Dieu que de saint Pierre, dit-on.
II. PROPOSITIONS POUR LA RÉDUCTION DE l’INSTABILITÉ
1) L’évacuation du territoire congolais des agents étatiques ou non-étatiques étrangers non invités par l’État congolais.
Les interventions de l’armée rwandaise dans le territoire congolais (en violation du droit international) seraient dues, prétend le régime de Paul Kagame, à la présence de rebelles hutus résiduels présents dans le territoire congolais à partir duquel ils menaceraient la sécurité du Rwanda et tenteraient de commettre un second génocide. Ce motif est fallacieux, dans la mesure où ces rebelles hutus ont été presque tous, depuis 1994 jusqu’à présent, anéantis par les forces armées conjointes du Rwanda et de la RDC et ne représentent plus aucun danger pour le Rwanda. Le Rwanda le sait mais le pouvoir rwandais actuel refuse de le reconnaître pour des raisons farfelues connues. Cela n’est qu’un prétexte pour prolonger la présence rwandaise dans le territoire congolais afin de continuer à exploiter les ressources naturelles du Congo, que le Rwanda convoite fortement, comme expliqué supra.
La présence des troupes du M23 sur le territoire congolais est une violation du protocole d’Addis-Abeba et de la résolution du Conseil de sécurité(S/RES/2098 [2013]) qui demandait à l’Ouganda et au Rwanda de ne pas laisser sortir les éléments du M23 de leur cantonnement dans leurs pays; et surtout pas de les armer. Mais ces deux pays (le Rwanda et l’Ouganda) n’ont rien fait conséquemment et ont continué à les soutenir et à travailler en complicité avec eux. Le rapport du Groupe d’experts des Nations-Unies l’atteste, de même que l’attestent les USA.
2) La question des réfugiés
Le problème des réfugiés congolais nous préoccupe. Ceux reconnus par le HCR peuvent être réintégrés en RDC. Mais on ne pourra les réintégrer qu’après le rétablissement de la paix. Sinon, ils seront rejetés par ceux qui les considèrent – à tort ou à raison – comme les collaborateurs d’une puissance étrangère en guerre contre le pays. La communauté internationale pourrait nous aider à résoudre ce problème, dans le cadre d’actions de réinstallation des réfugiés.
3) Le renforcement de la MONUSCO
Nous demandons avec insistance – n’en déplaise aux détracteurs de cette option – le renforcement de la MONUSCO mais aussi les moyens financiers conséquents et ceux logistiques militaires afin d’aider le Congo à mettre en place une armée dissuasive capable de protéger tout son territoire national. La RDC est un pays très fragile et instable depuis trois décennies, avec une structure sécuritaire quasi inexistante en dehors de la MONUSCO. Nous ne pensons pas qu’il existe actuellement un substitut à la MONUSCO, mais que celle-ci peut collaborer avec la RDC et les pays de la SADC pour engager les réformes pour la défense nationale, la sécurité et la justice.
C’est pour cette raison que nous demandons avec insistance le renforcement des forces de la MONUSCO et, plus précisément, de revenir à la formule de la Force d’intervention rapide, telle qu’initialement conçue comme le fer de lance de la MONUSCO, composée uniquement de troupes de la SADC, avec un mandat plus robuste pour combattre les groupes rebelles armés, avec ou sans collaboration des FARDC, tel que spécifié par résolution du Conseil de Sécurité S/RES/2098 (2013).
4) L’instauration d’une période de transition technocratique
Nous sommes favorables à l’organisation d’élections démocratiques, mais non à un nouveau plébiscite dont le résultat est connu d’avance. Organiser un plébiscite dans la situation d’instabilité que connaît la RDC équivaut à mettre de l’huile sur le feu.
Comme dit à l’introduction de document, notre groupe préconise ainsi l’installation d’un Corps exécutif de transition (CET) qui mettrait en place un gouvernement technocratique appelé à assurer une gouvernance efficace et fiable pour la stabilisation du pays ainsi que la préparation et l’organisation des élections démocratiques et donc fiables, transparentes et justes.
Les étapes pour une transition technocratique sont les suivantes :
(a) dialogue des forces politiques afin de stabiliser le pays ;
(b) concomitamment au dialogue, mise en place d’un exécutif technocratique de transition ; et
(c) enfin, organisation des élections démocratiques.
Pour y arriver, cela implique la collaboration et le support des pays membres du Conseil de Sécurité de l’ONU.
Iowa-City, Ce 3 mars 2023
CE DOCUMENT EST SUPPORTE PAR :
Pierre Sula, DBA, IT Architect-USA
Ikonga Weshay, Phd, Professeur d’Universite-CANADA
Nyembo Kitenge, Phd, Profeseur d’Universite-USA
Paul Okalonda, Phd, Professeur d’Universite- RDC
Andrew Kele, Phd, Business intelligence Manager -USA
Louis Lukaso,MBA, CEO -USA
Djuma Christopher, MS, Manager-USA