POLITIQUE
Derrière la libération provisoire de Fortunat Biselele, le bal des sécurocrates à Makala
En RDC, l’ancien conseiller privé de Félix Tshisekedi est sorti de prison le 22 juillet, comme plusieurs sources l’ont confirmé à Jeune Afrique. Sa libération provisoire, sollicitée par ses avocats, a aussi fait l’objet de discussions depuis plusieurs jours.
22 juillet 2023 à 18:39
Par Jeune Afrique
Mis à jour le 22 juillet 2023 à 18:39

Fortunat Biselele a quitté la prison de Makala le 22 juillet après avoir bénéficié d’une liberté provisoire, accordée par le tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe. Il avait été incarcéré le 20 janvier dernier, une semaine après avoir été arrêté par l’Agence nationale de renseignements (ANR).
Auditionné à plusieurs reprises entre le 14 et le 17 janvier par les services dirigés par Jean-Hervé Mbelu Biosha, l’ancien conseiller privé de Félix Tshisekedi est accusé de « trahison, atteinte à la sûreté de l’État et propagation de fausses nouvelles ». « Bifort » n’était plus réapparu devant une cour de justice depuis sa dernière audience, le 6 juin devant le tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe.
Courrier officiel
À cette occasion, les avocats de l’ex-conseiller avaient demandé le renvoi du dossier devant une autre juridiction. La suite de la procédure avait été reportée à une date ultérieure. Celle-ci n’a pas encore repris mais, en coulisses, les tractations se sont poursuivies.
La mise en liberté provisoire a été sollicitée par la défense de Biselele par voie officielle, dans une lettre adressée le 18 juillet au président du tribunal. Dans ce courrier, consulté par Jeune Afrique, Me Paulin Mpoyi Badibanga a demandé « la mainlevée de la détention préventive ou [la] mise en liberté provisoire » de son client. Pour motiver sa requête, l’avocat a avancé deux arguments. D’abord, il a dénoncé l’irrégularité de la procédure visant Fortunat Biselele.À LIRE[Exclusif] RDC : les vérités de Fortunat Biselele sur « l’affaire Foka »
Selon lui, ce dernier a été retenu dans les locaux de l’ANR entre le 14 et le 20 janvier « alors que son interpellation n’était basée sur aucun acte de procédure […], ni une convocation, ni une invitation ». Dénonçant le fait que le mandat d’arrêt provisoire « altère délibérément la vérité en renseignant que la date de l’arrestation serait le 18 janvier 2023 en lieu et place du 14 janvier 2023 », Me Mpoyi Badibanga estime que cette détention provisoire se base sur un « faux en écriture » et qu’elle doit donc être levée.
L’autre argument mis en avant par l’avocat de Biselele se base sur l’état de santé de l’intéressé, présenté comme « précaire » dans la lettre. Arrêté le 14 janvier, l’ancien conseiller devait, toujours selon son conseil, subir une intervention chirurgicale deux jours plus tard à Paris. Son état de santé aurait été confirmé par un rapport médical rédigé le 7 février par trois médecins du centre hospitalier de la prison de Makala. Le 13 avril, Bifort aurait été transféré dans un hôpital, avant d’être reconduit dans sa cellule sur décision du ministère de la Justice.
Sphère sécuritaire
Ce n’est pas la première fois que la défense de Fortunat Biselele sollicite la mise en liberté provisoire de son client. Toutes ses précédentes tentatives avaient échoué. Mais la situation s’est progressivement débloquée ces dernières semaines. En coulisses, plusieurs démarches ont été entreprises pour renouer le contact avec les cercles sécuritaires proches de Félix Tshisekedi.
Selon nos informations, au cours du mois de juin, Fortunat Biselele a ainsi reçu la discrète visite à Makala du général Christian Ndaywel, patron des renseignements militaires, venu lui transmettre un message et « lui poser quelques questions », assure une source informée de ces échanges. En l’absence de Jean-Hervé Mbelu Biosha, évacué à l’étranger pour y recevoir des soins, l’adjoint de celui-ci a lui aussi été en contact avec le détenu, tout comme Tony Kanku, un parent de Félix Tshisekedi, présenté par plusieurs sources comme son « haut représentant » au sein de l’Union sacrée.À LIRERDC : maîtres-espions, généraux, émissaires… Avec qui Félix Tshisekedi gère-t-il la crise du M23 ?
Véritable bras droit du président congolais, Fortunat Biselele disposait, jusqu’à son arrestation, d’une influence dans la plupart des dossiers politiques gérés par Félix Tshisekedi. Il avait un œil sur la sphère sécuritaire et avait noué de puissants liens avec certains pays de la sous-région, notamment avec le Rwanda. Comme révélé par Jeune Afrique, qui avait eu accès au compte rendu de ses auditions devant l’ANR, ses contacts avec plusieurs sécurocrates rwandais ont été au cœur de ses interrogatoires.