En RDC, climat tendu pour les opposants à quatre mois des élections générales

Human Rights Watch et le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme exhortent Kinshasa à garantir la liberté d’expression.

Par Nathalie Sala Gisa Publié hier à 13h00

Le président congolais, candidat à sa réélection le 20 décembre, lors du sommet de l’Union africaine à Nairobi, au Kenya, le 16 juillet 2023.
Le président congolais, candidat à sa réélection le 20 décembre, lors du sommet de l’Union africaine à Nairobi, au Kenya, le 16 juillet 2023. SIMON MAINA / AFP

La période préélectorale en République démocratique du Congo (RDC) est marquée par « la répression ». Dans son communiqué publié mardi 22 août, l’organisation internationale de défense des droits humains Human Rights Watch déclare que les autorités du pays « ont pris pour cible des dirigeants de partis politiques de l’opposition » et que « la récente vague d’arrestations et de restrictions des libertés fondamentales » vise principalement les concurrents du président Félix Tshisekedi, candidat à sa réélection lors du scrutin présidentiel du 20 décembre, qui sera couplé à celui des députés nationaux et provinciaux, ainsi que des conseillers communaux.

Selon l’organisation des droits humains, ce climat s’est tendu après le discours du chef de l’Etat, en juin. « Je ne serai jamais, au grand jamais, le fossoyeur du Congo et des Congolais. En revanche, je m’attaquerai sans hésitation, sans remords, à tout Congolais qui mettrait en danger la sécurité et la stabilité de notre pays, avait prévenu Félix Tshisekedi. Peu importe ce qu’on en dira : violation des droits de l’homme, privation des libertés… Je n’en démordrai pas parce que démocrate je suis, démocrate je resterai. Je n’ai aucune leçon à recevoir de qui que ce soit dans ces domaines. »

Pour Thomas Fessy, le chercheur principal de HRW, les autorités du pays doivent inverser cette tendance pour éviter d’aggraver « une situation déjà extrêmement tendue ».

« Réduire au silence »

Au cours du mois de mai, une manifestation pacifique tenue par des partis d’opposition a été réprimée par la police, faisant au moins trente blessés, dont un enfant, et une dizaine d’arrestations.

Moïse Katumbi, l’un des principaux rivaux du chef de l’Etat pour la présidentielle, multiplie les déconvenues. Son conseiller principal, Salomon Idi Kalonda, a été arrêté sur le tarmac de l’aéroport international de N’Djili à Kinshasa par des agents du renseignement militaire. Depuis le 14 août, il est formellement inculpé pour « trahison », « possession de documents classifiés » et « incitation du personnel militaire à commettre des actes contraires à leur devoir ». Son procès doit s’ouvrir le 18 septembre.

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L’ex-gouverneur de l’ancienne province minière du Katanga a aussi perdu l’un des cadres de son parti, l’ancien ministre des transports et député Chérubin Okende dans une affaire trouble. Son corps a été retrouvé criblé de balles dans sa voiture le 13 juillet. En réaction, Moïse Katumbi avait dénoncé « un assassinat politique » dans le but de le « réduire au silence ».

Quant à Martin Fayulu, Delly Sesanga et Augustin Matata Ponyo, également candidats déclarés à la présidentielle, ils ont été empêchés de tenir un sit-in avec leurs partisans devant le siège de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour protester contre ce qu’ils ont qualifié de « processus électoral chaotique ». « La police s’est servie de gaz lacrymogènes pour disperser la foule et a passé à tabac certains manifestants », affirme le communiqué du HRW. Selon l’ONG, un scénario similaire s’est déroulé dans la ville de Lubumbashi (Haut-Katanga), où les forces de l’ordre avaient bloqué certaines rues pour éviter tout rassemblement.

Situation « classique »

Pour Patrick Muyaya, le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement congolais, cette montée de la pression est une situation « classique » à l’approche des élections. Il assure qu’« aucune stratégie de répression n’a été mise en place contre les opposants qui se victimisent et ne pèsent rien pour nous faire peur ».

Il a par ailleurs regretté le caractère « tendancieux » du communiqué du HWR : « Ils ont pris soin de donner la parole aux opposants, aux diplomates et à la famille de Chérubin Okende sans l’accorder au gouvernement. On sent (que l’organisation) prend position et cela ne surprend pas. » M. Muyaya souligne qu’il y a une différence entre les actes posés par les forces de l’ordre lors de leurs interventions et le gouvernement. « Tout le monde sait que le siège de la CENI est inviolable. Quand les responsables de cette institution ont demandé aux opposants d’envoyer leurs délégués pour une discussion, l’ont-ils fait ? On oublie quand même que vingt-sept policiers ont été blessés à cette occasion », argumente le ministre.

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De son côté, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) a affirmé dans son rapport semestriel publié le 17 août avoir « documenté 116 violations des droits de l’homme » dans la période comprise entre le 1er janvier et 30 juin, contre 167 entre juillet et décembre 2022. Sur la liste, « au moins 30 incidents liés aux élections (…) qui ont fait au moins 80 victimes, dont 15 exécutions sommaires et extrajudiciaires et 60 victimes de violations et atteintes au droit à l’intégrité physique ». Patrick Muyaya martèle que ces violations ont été enregistrées sur l’ensemble du pays, notamment dans les zones sous emprise de groupes armés et que le pouvoir de Kinshasa n’est responsable d’aucune exécution sommaire.

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