POLITIQUE
Dans l’est de la RDC, fragile cessez-le-feu entre les FARDC et le M23
L’armée congolaise a accusé mercredi les rebelles d’avoir tenté de reprendre certaines positions abandonnées dans le cadre du cessez-le-feu et de vouloir de nouveau se rapprocher de Goma (Nord-Kivu).
28 septembre 2023 à 18:44
Par Vincent Duhem
Mis à jour le 28 septembre 2023 à 18:44

Depuis la mise en place d’un cessez-le-feu et le retrait partiel des zones occupées par le M23, le mouvement rebelle et les autorités congolaises se livrent une intense guerre de communication. Si les affrontements directs sont rares, les communiqués fusent. Dernier épisode en date : la diffusion, mercredi 27 septembre, d’un communiqué du porte-parole du gouverneur du Nord-Kivu qui accuse le M23 d’avoir pris le contrôle de nouvelles localités.
Pression des FARDC
« Il s’agit de Kibarizo, de Kabalekasha, de Kirumbu Bukombo, de Rugogwe, de Busumba et de Burungu en territoire de Masisi, de la colline de Ruhunda à Kibumba en territoire de Nyiragongo », liste le document. L’armée précise que le M23 a tenté ce mercredi de s’installer « sur la crête Kanyamahoro, à Kibumba », allant jusqu’à se positionner à l’intérieur du périmètre sécurisé par la force régionale de l’EAC, déployée depuis novembre 2022 et dont le mandat a été prolongé jusqu’au 8 décembre. « Il a fallu la pression des FARDC et la dissuasion de la force régionale pour que [les rebelles] se retirent », précise le texte.À LIREDans l’est de la RDC, Félix Tshisekedi privatise-t-il la guerre contre le M23 ?
Une source militaire à Goma affirme que « le M23 a réoccupé certaines positions en réponse à la pression des milices d’auto-défense wazalendos dans le Masisi. Une négociation a permis de leur faire quitter leurs positions de Kibumba ».
Réunis le 9 février 2023, les pays de l’EAC avaient donné jusqu’à la fin du mois de mars suivant au M23 pour se retirer de ses positions. Cette opération, qui était censée s’accompagner d’un dialogue, devait être supervisée par les différents contingents de la force régionale (burundais, kenyans, sud-soudanais et ougandais). Mais le dialogue annoncé ne s’est jamais concrétisé et le retrait du M23 ne fut que partiel.
Instructeurs roumains
Fin février, de violents combats avaient opposé le M23 à l’armée congolaise, appuyée par des instructeurs roumains dirigés par l’ancien légionnaire Horațiu Potra, autour de Saké (située à une trentaine de km à l’ouest de Goma, la capitale du Nord-Kivu). Ces affrontements avaient entrainé un recul des rebelles et quelques peu figé les positions, malgré de nouveaux affrontements réguliers entre rebelles et miliciens.
« Le M23 a laissé tomber l’idée de prendre Saké ou Goma. Mais ils se renforcent dans le Masisi. Ils ont profité du cessez-le-feu pour taper les FDRL [Forces démocratiques de libération du Rwanda]. Ils se rapprochent des positions des Burundais, parfois à quelques centaines de mètres, comme s’ils se tenaient prêts à profiter d’un possible départ de l’EAC », explique une source militaire à Goma.
Dans les faits, le M23 est présent un peu partout à l’intérieur de la zone de déploiement de l’EAC, explique cette même source. Zone où, selon l’ONU, les rebelles ont « mis en place des administrations parallèles et illégales, avec prélèvement de taxes et de droits de douane ».
Le M23 diffuse néanmoins régulièrement sur les réseaux sociaux des vidéos censées attester de l’emprise du groupe dans la région. L’une d’elles, postée sur X (anciennement Twitter), le 21 septembre, montrait le porte-parole parole politique du M23, Lawrence Kanyuka, s’adresser aux populations de Kibumba, l’une des localités mentionnées dans le communiqué de l’armée congolaise en date du 27 septembre.
Lawrence Kanyuka répondait alors au chef de l’État congolais qui, quelques jours plus tôt à la tribune de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, avait une nouvelle fois écarté l’idée d’un dialogue avec le M23.
Offensive des FARDC
Combien de temps ce cessez-le-feu si fragile peut-il durer ? Depuis plusieurs mois, Goma bruisse de rumeurs d’une offensive imminente des FARDC. Certaines sources évoquaient même la date de juillet ou de septembre, sans que cela ne se concrétise.
L’ARMÉE A COMMENCÉ À POSER LES JALONS. ELLE N’EST PAS ENCORE PRÊTE, MAIS L’OFFENSIVE ARRIVERA TÔT OU TARD
L’armée congolaise a malgré tout considérablement renforcé ses positions. Des contingents de la Garde républicaine, formée par des instructeurs israéliens, ont rejoint la capitale du Nord-Kivu. L’aéroport de Kavumu (Sud-Kivu) est lui en pleine réfection et accueillera prochainement les trois drones de combat CH-4, acquis au début de l’année 2023 par l’État congolais auprès de la société China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC) pour 150 millions de dollars.
« L’armée a commencé à poser les jalons. Elle n’est pas encore prête, mais l’offensive arrivera tôt ou tard », assure un haut-gradé.