RDC : l’opposition en conciliabule en Afrique du Sud pour désigner un candidat unique à la présidentielle

A près d’un mois de l’élection congolaise, les représentants des cinq principaux opposants à Félix Tshisekedi négocient à Pretoria.

Par Romain Chanson(Johannesburg, correspondance) Publié le 17 novembre 2023 à 12h00, modifié le 17 novembre 2023 à 12h25

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Les cinq principaux candidats à la présidentielle congolaise du 20 décembre 2023 : Martin Fayulu, Delly Sesanga, Denis Mukwege, Matata Ponyo Mapon et Moïse Katumbi.
Les cinq principaux candidats à la présidentielle congolaise du 20 décembre 2023 : Martin Fayulu, Delly Sesanga, Denis Mukwege, Matata Ponyo Mapon et Moïse Katumbi. AFP

On prend presque les mêmes et on recommence. Même capitale, même hôtel, même organisme de médiation et même objectif. Les représentants des cinq principaux candidats de l’opposition en République démocratique du Congo (RDC) − Denis Mukwege, Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Delly Sesanga et Matata Ponyo Mapon − sont réunis, depuis lundi 13 novembre, dans un luxueux domaine privé et fermé de l’est de Pretoria, en Afrique du Sud, avec des médiateurs d’In Transformation Initiative (ITI), pour tenter de présenter une candidature commune face au chef de l’Etat sortant, Félix Tshisekedi, à l’élection présidentielle prévue le 20 décembre.

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L’organisation non gouvernementale (ONG), spécialisée dans la résolution des conflits, avait déjà été sollicitée par l’opposition congolaise, dans le même but, avant l’élection de 2018 et alors que la succession de Joseph Kabila était en jeu. Ses fondateurs ont participé aux négociations entre le gouvernement raciste afrikaner et les mouvements de libération qui avaient conduit à la chute du régime d’apartheid en 1994 et aux premières élections démocratiques en Afrique du Sud. Depuis, ce pays serait devenu « un modèle international de paix et d’espoir », vante le site internet de l’ONG.

Sa méthode : sortir les candidats de leur environnement habituel, les rassembler à l’abri des regards et du bruit médiatique pendant plusieurs jours. Les débats abordés en session plénière peuvent ainsi se poursuivre de manière plus détendue au petit-déjeuner et au dîner. La proximité invite les représentants des candidats à se connaître plus personnellement, même si, dans le cas présent, ceux-ci n’en ont guère besoin.

« No comment. Ça avance »

Cette bulle est indispensable, selon ITI. « Le succès de ce genre d’initiative, surtout lors des phases préliminaires, c’est justement que ça se déroule sans trop de communication. Il faut que les discussions avancent. Si, au premier jour, tous les candidats partagent leur point de vue aux médias, on n’avance pas du tout. C’est très délicat », insiste une bonne connaisseuse des méthodes de l’ONG. « No comment. Ça avance », nous répond justement le représentant d’un candidat sollicité.

Les délégués se sont répartis en deux commissions pour plancher sur les critères d’une candidature et d’un projet communs, sachant que la question sécuritaire dans l’est du pays fait déjà consensus entre eux. Les commissions ont remis leur feuille de route, jeudi, à cinq facilitateurs, des membres de l’ITI, ainsi que de la Lucha, une organisation de la société civile congolaise. Des échanges ont suivi et les travaux doivent prendre fin vendredi avec la finalisation d’une dernière mouture. La question du voyage à Pretoria des différents candidats eux-mêmes n’avait pas encore été tranchée, jeudi soir, alors que le temps presse : la campagne électorale commence dimanche.

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« Je crois qu’il y a du positif, une certaine harmonie, une volonté d’aboutir à une conclusion qui puisse satisfaire toutes les parties », se félicitait, jeudi, le représentant d’un candidat qui a suivi les négociations depuis Kinshasa et dit apprécier « la méthode de travail qui semble objective ». L’expérience de 2018 invite pourtant à la prudence. En dépit de mois de tractations, dont une session à Pretoria en septembre, les candidats Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe s’étaient retirés de l’accord signé vingt-quatre heures plus tôt à Genève qui avait désigné Martin Fayulu comme candidat unique de l’opposition.

« Tout ce que nous voulons, c’est que celui qui sera désigné comme candidat commun le soit de manière unanime pour éviter les erreurs du passé », précise un délégué. « Vu la manière dont les travaux sont menés, je crois qu’il sera possible d’y arriver », ajoute-t-il avec optimisme. L’ambiance était-elle bonne ? « Entre politiques dans un débat pour la conquête du pouvoir, je ne peux pas vous le garantir, plaisante le même délégué. Mais, au-delà des divergences, on avance. »

Destination diplomatique

Le contenu des tractations au sein de l’opposition congolaise intéresse également l’hôte sud-africain. Le gouvernement n’a pas évoqué publiquement ces discussions ni répondu aux sollicitations du Monde, mais « il garde un œil », croit savoir une observatrice citée plus haut. En 2018, les candidats de l’opposition avaient été reçus au siège du Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir.

Pour l’Afrique du Sud, ces pourparlers renforcent son image de destination diplomatique où les conflits peuvent se résoudre autour d’une table. Il y a un an, le gouvernement éthiopien et le Front populaire de libération du Tigré avaient signé un accord de paix à Pretoria après avoir passé plusieurs jours dans un lieu tenu secret. Ce serait la preuve « qu’aux problèmes africains des solutions africaines sont possibles », s’était réjoui le ministère sud-africain des relations internationales dans un communiqué pour le premier anniversaire de l’accord, le 2 novembre.

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Au-delà de l’image, la stabilité de la RDC intéresse l’Afrique du Sud. Des élections contestées obligeraient probablement le président Cyril Ramaphosa et les pays membres de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) à passer Noël ensemble. Une crise électorale pourrait également compromettre un peu plus la stabilité de la RDC alors que l’armée sud-africaine dispose de 1 144 hommes au sein de la Monusco, la Mission des Nations unies. Même si les citoyens congolais ne représentent pas la plus grande population immigrée, cette éventualité pourrait pousser de nouvelles personnes à s’exiler en Afrique du Sud alors que Pretoria durcit le ton sur la question des migrants clandestins à l’approche de ses propres élections générales de 2024. Une élection peut en cacher une autre.

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