PRIORITÉ AUX INSTITUTIONS PLUTÔT QU’AUX ÉLECTIONS

Le CET ne minimise pas l’importance des propositions de réformes judiciaires contre la corruption. Mais nous pensons qu’il faut prioriser l’installation d’institutions démocratiques, et que ceci passe par une période de transition que nous voulons technocratique.

Comme on le dit en jargon de gestion, « all problems are not created equal » (tous les problèmes ne sont pas identiques). Dans toute organisation humaine, il faut choisir des priorités pour l’allocation du temps et des ressources, car le temps n’est pas extensible et les ressources sont limitées. Sinon, combien de temps la RDC continuera-t-elle de tourner en rond ignorant la nécessité de prioriser les tâches ? Qui ne s’est pas encore rendu compte que nous n’avançons ni dans la voie de la démocratisation libérale, ni dans celle du développement ?

Dans le contexte actuel de faiblesse institutionnelle, le rêve d’une « élection démocratique » qui donnerait au pays un leader providentiel ( ) capable d’engager des réformes contre la corruption n’est qu’une chimère ; et ce, comme viennent d’ailleurs de le prouver le dernier scrutin et tous les événements qui y sont liés.

Analysant les causes de l’échec de la démocratisation en Irak, Larry Diamond écrivait ceci dans le magazine Journal of Democracy (2005) :

« Aucune question n’est plus difficile que le calendrier des élections [dans les États post-conflit]. Des élections mal programmées et mal préparées ne produisent pas la démocratie, ni même la stabilité politique, après un conflit. Au lieu de cela, ils ne peuvent que renforcer le pouvoir des acteurs qui mobilisent la coercition, la peur et les préjugés, ravivant ainsi l’autocratie et précipitant même des conflits violents à grande échelle. »

La doctrine « election first », qui a toujours servi de recette magique chez les démocratiseurs occidentaux, et utilisée initialement par les Américains en Haïti (1995), en Irak (2001) et en Afghanistan (  ), a donc montré ses limites. Nombreux sont les experts et auteurs qui sont d’avis que, pour réussir dans l’édification des États fragiles, il faut adopter la doctrine « institution first ».

Seth D. Kaplan, dans son livre Fixing fragile States, s’est même servi de la RDC comme cas d’exemple :

« Des pays comme la République démocratique du Congo […] ont peu de chances de se développer, même si un ensemble de politiciens hautement qualifiés émergeaient à Kinshasa [et] il est peu probable qu’ils deviennent prospères et stables sans d’abord subir une forme de réingénierie institutionnelle. »

C’est précisément ce qui explique l’approche du CET.

QUID DE LA RELATION DE CAUSE À EFFET ENTRE CLIENTÉLISME ET CORRUPTION ?

Les dirigeants en mal de légitimité tendent souvent vers un leadership de type sultanique ou (néo)patrimonial.

Le patrimonialisme est un système politique autocratique ou oligarchique dans lequel tous les pouvoirs découlent des dirigeants, et dont les différents niveaux hiérarchiques sont en relation de codépendance ou de dépendance avec les dirigeants (cf. Wiktionnaire). Pour élargir leur influence, ces dirigeants, se considérant comme des patrons, distribuent leur patronage, comprenant non seulement des biens publics divisibles (emplois, autorisations), mais surtout la protection ; et ce, contre l’allégeance sous forme de soutiens politiques (cf. la figure ci-dessous).

On parle ainsi de clientélisme ou de système patron-client, soit une relation personnalisée basée sur l’échange de faveurs et de services contre des allégeances et des soutiens politiques.

Quant à la corruption, il s’agit d’une collusion de nature économique entre des détenteurs de charges politico-administratives et des acteurs privés ( ). C’est un « échange clandestin par lequel des individus ou des groupes acquièrent des bénéfices divers (accès à des marchés et des contrats publics, subventions, informations, autorisations administratives, impunité ou retrait de sanctions, etc.) grâce au versement de contreparties, dans la majorité des cas financières, à des décideurs publics, qui monnayent de la sorte le pouvoir de décision ou d’influence associé à leurs mandats et à leurs fonctions » (Briquet, J. [2020])

Il est établi que le clientélisme politique incite à la corruption économique. Car quel est le juge, dans un État où la justice dépend du Président, qui pourra sanctionner conformément à la loi un agent corrompu et protégé par le Président ? Il faut d’abord (re)mettre sur les rails un État dont le pouvoir est institutionnalisé.

La priorité doit donc être l’installation d’un régime de transition qui établira les bases d’un État efficace, plutôt que de proposer des réformes qui n’ont aucune chance d’être appliquées.

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