COMPATIBILITE DE LA LUTTE ARMEE ET DE LA PENSEE DE LUMUMBA
Des générations entières des congolais qui sont nés après l’indépendance [même avant l’indepedance] n’ont appris de l’école, des médias que le mot dérogatoire de « rebelles » pour designer ceux qui avaient pris les armes pour s’opposer au schéma néocolonial. Certains affirment même sans honte que Antoine Gizenga aurait fait une sécession à l’Est du Congo en 60-61 !
Pourtant, c’est sur ordre de Patrice Lumumba lui-même que des membres du gouvernement avait rejoint Stanleyville pour y faire fonctionner le gouvernement central ; un gouvernement de résistance reconnu par une frange importante de la communauté internationale et afin de libérer le Congo.
Fin novembre 1960, Antoine Gizenga et Victor Lundula réussiront à mettre en place un gouvernement central à Stanleyville ; gouvernement lumumbiste qui réussira à contrôler l’intégralité de la province du Kivu, de la province Orientale ainsi que d’une partie des provinces du Katanga (le Nord Katanga étant libéré), du Kasaï (l’ANC-Lundula avait réussi à libérer le Sankuru et même Luluabourg) et de la province de l’Équateur. Il faut créditer au gouvernement lumumbiste dirigé par le Vice-Premier Ministre Antoine Gizenga la mise en échec du projet de balkanisation de la République du Congo-Leo
Par ailleurs, Pierre Mulele, Christophe Gbenye, Soumialot, Nicolas Olenga et Laurent Kabila qui joueront des rôles prépondérants dans la grande insurrection de 1963-68 ont été des patriotes qui n’avaient pas trahi leurs convictions de l’idéologie lumumbistes. En tout cas, ils n’avaient rien des assoiffés de pouvoir, des bandits de grands chemins, des dirigeants « rebelles » tels que décrits par les media pro-occidentaux.
Certains disent que Patrice Lumumba était bon et pacifistes mais ses disciples des vilains qui avaient déclenché une rébellion sanglante par pure vengeance de la mort de leur leader. Le soulèvement n’aurait donc pas répondu aux aspirations de Lumumba mais ne serait dicté que par désir de vengeance et des ambitions personnelles démesurées !
De son vivant, bien que Patrice Lumumba désirât l’instauration de l’ordre, il était en même temps un combattant de la liberté qui ne voulait ni du maintien de l’ordre colonial ou néocolonial ni de la balkanisation du pays selon le modèle pratique par la France dans ses anciennes français fédérations de l’AOF et de l’AEF.
D’ailleurs dans sa lettre à Pauline considérée comme son testament au peuple congolais Lumumba l’avait dit, et ce sans détours.
: « Ils ont corrompu certains de nos compatriotes, ils ont contribué à déformer la vérité et à souiller notre indépendance. Que pourrais- je dire d’autre ? Que mort, vivant, libre ou en prison sur ordre des colonialistes, ce n’est pas ma personne qui compte. C’est le Congo, c’est notre pauvre peuple dont on a transformé l’indépendance en une cage d’où l’on nous regarde du dehors, tantôt avec cette compassion bénévole, tantôt avec joie et plaisir. Mais ma foi restera inébranlable. Je sais et je sens au fond de moi même que tôt ou tard mon peuple se débarrassera de tous ses ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il se lèvera comme un seul homme pour dire non au capitalisme dégradant et honteux, et pour reprendre sa dignité sous un soleil pur ».
Il est important de noter que Pierre Mulele qui fut le premier des dirigeants lumumbistes à opter pour la lutte armée révolutionnaire avait été un des quatre disciples à avoir eu un entretien avec Patrice Lumumba avant la neutralisation de celui-ci. Ci-dessous, le récit de cet événement historique donne à l’auteur par l’ex-honorable Mathias Kemishanga, un témoin de l’événement.
Selon M. Kemishanga, le 1er décembre 1960, vers 22 heures, le convoi de Patrice Lumumba dans sa tentative de joindre Stanleyville par route atteindra Lodi, sur la rive gauche de la rivière Sankuru. Trois disciples de Lumumba traversent la rivière en pirogue avec lui, pour réveiller l’équipe des opérateurs du bac sur la rive droite. Il s’agit de Pierre Mulele, Matthias Kemishanga, Valentin Lubuma. Le bac traversera la rivière sans Lumumba et ses disciples, pour prendre le reste du convoi, dont l’épouse de Lumumba et leur enfant Roland, rive gauche. Mais à l’accostage, ils trouveront des militaires de Mobutu à la poursuite de Patrice Lumumba. Ces militaires embarqueront sur le bac pour traverser la rivière afin d’aller arrêter Patrice Lumumba et ses disciples sur la rive droite. Dès que Patrice Lumumba aperçut les militaires sur le bac, il convainquit Mulele, Kemishanga et Lubuma de se cacher en vue de poursuivre plus tard la lutte de libération et se présenta seul aux militaires venus l’arrêter. Après quelques minutes des conciliabules, les militaires décident d’arrêter Lumumba. Ils retraversèrent la rivière avec lui et de l’amenèrent sous leur garde.
Il n’y a donc pas eu incompatibilité entre la pensée politique progressiste de Lumumba et la lutte armée organisée par ses disciples d’abord en 1960-61, ensuite en 1963-68. Certes, les dirigeants lumumbistes devaient assumer leur part de responsabilité dans l’échec de l’insurrection ; échec dû à l’intervention massive des puissances de l’OTAN. Toutefois, même si le soulèvement n’avait pas atteint son principal but, le renversement du régime pro-occidental, sa cause quant à elle demeurait noble. Il était question de la lutte pour la seconde indépendance. Et la tâche incombe aux générations des Congolais de se poser la question à savoir, « pourquoi avons-nous été vaincus alors que nous avions raison ?» au lieu de vouloir perpétuer l’Histoire du vainqueur.
Malgré tout, les Congolais ne devraient-ils pas être fiers d’avoir été le premier peuple en Afrique pour avoir tenté de renverser l’ordre néocolonial ? Il est dommage que cette version de l’Histoire et ignorée par beaucoup de cadres congolais qui ne connaissent que les contes de Mobutu, l’homme léopard.