Joseph Kabila, l’homme qui aime se faire rare
L’ancien président de la RDC, qui a boycotté les dernières élections et s’exprime peu, est réapparu le 25 janvier à Johannesburg, relançant ainsi les interrogations sur ses perspectives politiques.

Publié le 26 janvier 2024Lecture : 3 minutes.
En RDC, ses compatriotes ont fini par le surnommer « le recteur de l’université de Kara ». Rien à voir avec la ville togolaise du même nom. En argot kinois, le « kara » est l’expression d’un désintérêt manifeste. Autrement dit, ce n’est pas un terme que l’on associerait à une personne omniprésente et éloquente. Et cela tombe bien : depuis qu’il a quitté le pouvoir, en janvier 2019, Joseph Kabila n’est ni l’un ni l’autre.
Les intrigants silences de Joseph Kabila
Sa parole est aussi rare que ses apparitions publiques. Invité par le protocole d’État à la réinvestiture, le 20 janvier, de Félix Tshisekedi, Joseph Kabila n’a, sans surprise, pas répondu à l’invitation. Mais il avait pour une fois une bonne excuse : il était en partance pour l’Afrique du Sud dans le cadre de ses études doctorales.
Une thèse en Afrique du Sud
Cinq jours plus tard, devant un jury de l’Université de Johannesburg, il faisait valider le sujet de sa thèse en préparation, laquelle portera sur « les implications de la rivalité États-Unis-Chine-Russie pour l’Afrique ». En juillet 2021, l’ancien président congolais avait déjà décroché, dans le même établissement, son diplôme de master.
Arrivé au pouvoir en janvier 2001, Joseph Kabila aura dirigé la RDC pendant 18 ans, et pris une part active à la gestion du pays pendant près de deux années supplémentaires, aux côtés d’un Félix Tshisekedi contraint de lui faire une place compte tenu de son poids à l’Assemblée et au Sénat. C’est la première fois depuis 2006 qu’il n’a pas pris part, de manière directe ou indirecte, au processus électoral. Lui et sa coalition, le Front commun pour le Congo (FCC), ont en effet boycotté les élections présidentielles et législatives du 20 décembre 2023 – scrutins au terme desquels Félix Tshisekedi a été largement réélu avec plus de 73 % des voix et crédité d’une confortable majorité au Parlement.
Retranché depuis juin 2023 dans sa ferme de Kashamata à Lubumbashi, dans le Haut-Katanga, Joseph Kabila ne s’est pas publiquement exprimé sur un processus électoral pourtant décrié par l’opposition.
RDC : Joseph Kabila, le gentleman-farmer
Faut-il en déduire qu’il s’en désintéresse ? Sa dernière prise de parole sur la question remonte au 16 juin dernier. C’était devant les barons de sa famille politique, dans une autre ferme – celle de Kingakati, près de Kinshasa. Très en verve ce jour-là, il avait donné tort à tous ceux qui pensaient qu’il avait pris sa retraite politique, avant de critiquer vertement son successeur.
Appelant le reste de l’opposition à ne pas participer à des « élections chaotiques qui embraseront le pays », Joseph Kabila avait aussi critiqué la Cour constitutionnelle et la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) inféodées, selon lui, au pouvoir. Il avait dans la foulée dénoncé « la dictature », « la gabegie » et « la corruption ».
« Provocations incessantes »
Il avait à l’époque promis de s’exprimer à nouveau devant les députés et sénateurs de sa famille politique, puis devant le peuple. Depuis, Joseph Kabila n’a plus rien dit. Pas même quand, en septembre dernier, les barrières autour de sa résidence de GLM, dans la commune de la Gombe, ont été enlevées par les services du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, sur « instructions de Félix Tshisekedi ». Ses proches ont dénoncé des « provocations incessantes » et déplorent régulièrement les « tracasseries administratives et restrictions de liberté de mouvement » que l’ancien président subirait – chacun de ses voyages nécessitant une autorisation préalable de l’Agence nationale de renseignement (ANR) –, mais l’intéressé ne dit rien.
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Les craintes de voir cet ancien maquisard reprendre les armes a toujours hanté les cercles du pouvoir à Kinshasa, quand bien même il promet de se battre avec « toutes les garanties » offertes par la Constitution. La sortie, début octobre 2023, du général déchu John Numbi, très proche du clan Kabila, qui a appelé depuis le Zimbabwe les officiers de l’armée congolaise à désobéir à un « commandant suprême devenu un danger », n’a pas arrangé la situation.
Depuis la rupture de leur coalition fin 2020, Joseph Kabila et Félix Tshisekedi ne se sont plus revus. Les deux hommes avaient pourtant été les symboles de la première alternance politique à la tête du pays.