RDC : Une plainte déposée à Bruxelles contre la famille Tshisekedi
- Dans République démocratique du Congo
- 8 juillet 2025
- Hubert Leclercl
Elle cible neuf membres du clan présidentiel pour le pillage des sites miniers dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba.
Au mois de février dernier, La Libre Belgique s’était rendue en Afrique à la rencontre de plusieurs membres de la société civile katangaise qui dénonçaient “l’accaparement structurel et structuré” des richesses de leur province par les membres de la famille du président de la République,Tshisekedi.
Les montants en jeu sont astronomiques. “L’unité de mesure de ce vol organisé est le million de dollars”, expliquaient nos interlocuteurs qui avaient demandé l’anonymat. “Oser parler est dangereux dans ce pays. Il y a une vraie chasse menée par les militaires et des agents de sécurité, essentiellement issus du Kasaï (la province dont est originaire le président Tshisekedi, NdlR), contre ceux qui brisent le silence. Il faut dire que l’exploitation minière illégale rapporte des sommes colossales à la famille présidentielle et aux entrepreneurs peu scrupuleux qui les ont rejoints dans cette entreprise criminelle.”
Sept Tshisekedi ciblés
Cinq mois plus tard, une plainte a été déposée devant la justice belge contre neuf membres de la famille Tshisekedi (belle-sœur, fils, frères, cousins et même la première dame du pays), présentés comme “coauteurs et complices d’actes de corruption et autres comportements infractionnels”. Elle a été déposée mardi matin entre les mains de la procureure fédérale Ann Fransen par les avocats Bernard et Brieuc Maingain au nom de plusieurs organisations non gouvernementales katangaises et de quatre anciens directeurs de la Gécamines.
“Trop, c’est trop”, explique un membre d’une des ONG katangaises, qui souligne “le niveau jamais vu de la prédation de ce clan au pouvoir. Au fil des ans et de notre histoire, les plus hautes autorités congolaises ont toutes puisé dans les richesses du Grand Katanga (province morcelée en 2015 en cinq entités dont le Haut-Katanga et le Lualaba sont les deux provinces les plus nanties, NdlR) mais jamais ce vol ne s’est apparenté à un tel pillage. Chaque mois, ce sont des dizaines de millions d’euros qui sont détournés des caisses de l’État et de nos provinces par une famille et leurs associés avec la complicité de certains États”. La plainte évoque notamment l’Arabie saoudite et l’Île Maurice où sont déversées des montagnes de dollars en attente de blanchiment.
La plainte insiste encore sur le fait que les neuf personnes ciblées dans cette démarche ne sont pas les seuls prédateurs du secteur minier katangais. Le document déposé à Bruxelles ne s’intéresse “que” aux personnalités belges qui peuvent être poursuivies par notre justice. “D’autres plaintes pourraient être introduites prochainement dans d’autres pays dont sont originaires d’autres pilleurs de nos richesses”, explique un des plaignants.
Plainte impossible au Congo
Ceux-ci rappellent aussi que, “normalement, toutes ces plaintes auraient dû être gérées par un organe de poursuite localisé en République démocratique du Congo. Malheureusement, les auteurs de ces pillages se sont introduits dans toutes les strates de l’appareil d’État et sont parvenus à neutraliser la justice et les forces de l’ordre (police des mines, police nationale congolaise, les forces armées traditionnelles), de sorte qu’il est devenu impossible de se faire entendre et de défendre nos droits en RDC”.
Ils insistent encore sur le risque encouru par celles et ceux qui oseraient présenter un tel dossier en RDC. “Déjà sous Kabila, la prédation était massive et les menaces très claires contre ceux qui osaient parler, mais on a poussé les curseurs bien plus loin avec le clan Tshisekedi. Le pillage est systématique et les violences bien plus marquées que sous le précédent régime, explique un membre de la société civile katangaise interrogé par La Libre Belgique. Aujourd’hui, c’est le règne de la peur avec des méthodes franchement mafieuses et une violence inouïe. Le Katanga est mis sous la coupe de cette organisation criminelle qui peut aussi compter sur le soutien de certains responsables politiques locaux qui se sont enrichis de manière colossale sur le dos des Katangais.”
RDC : ”Le Katanga est devenu le coffre-fort de la famille Tshisekedi”
La gouverneure du Lualaba, Fifi Masuka, très proche du président Tshisekedi, est présentée comme un pion essentiel de cette organisation. Le nom de la dame apparaît à plusieurs reprises dans les textes des ONG qui ont documenté le pillage de la Gécamines, notamment aux côtés de ressortissants chinois et européens servant le plus souvent de prête-nom ou de paravent pour les membres de la famille Tshisekedi.
Enquête détaillée
Le document, désormais entre les mains du procureur fédéral belge, repose notamment sur des dizaines de travaux rédigés par des ONG qui ont enquêté sur les méthodes et les filières utilisées par les membres du clan Tshisekedi pour l’exploitation, à des fins personnelles, des minerais, mais aussi sur leur mainmise sur la plupart des juteux business de la sous-traitance minière. Les terrils, mines, remblais exploités en toute opacité et illégalité par les Tshisekedi et leurs complices sont identifiés avec précision. “La Gécamines, qui a succédé à l’Union minière du Haut-Katanga, a toujours été l’élément moteur de l’économie du Zaïre ou du Congo. Son administration a longtemps été très scrupuleuse. On peut donc savoir précisément ce que contiennent les remblais ou les dépôts de la Gécamines. Et ce qui a été volé” par le clan Tshisekedi, explique un autre plaignant. “Il sera donc aisé de lui demander des comptes dans un proche avenir.”
“On sait précisément qui, quoi et où. Quand ces gens quitteront le pouvoir, nous pourrons récupérer ce qui nous a été volé”, poursuit son voisin, avant d’expliquer que la liste des Congolais disposés à témoigner auprès de la justice belge va s’étoffer. “La peur va changer de camp. Beaucoup savent, mais se taisent actuellement. Plus des plaintes comme les nôtres avanceront, plus l’impunité reculera et plus ceux qui savent s’exprimeront. Un mouvement est en marche. Il sera difficile de le stopper. Une famille ou un clan n’a jamais fait plier longtemps un pays.”