François Compaoré, John Numbi, Karim Keïta, Kalev Mutond… Ces Africains recherchés pour des affaires « criminelles »
« Wanted » (3/4) – Alors qu’ils ont occupé des postes stratégiques dans leur pays, ces hommes de pouvoir sont désormais cités dans des dossiers criminels. Du Burkinabè François Compaoré au Malien Karim Keïta en passant par les Congolais Kalev Mutond et John Numbi, JA a enquêté.
Réservé aux abonnés2 septembre 2021 à 10:38Par Aïssatou Diallo, Nadoun Coulibaly, Fatoumata Diallo, Mehdi Ba, Romain GrasMis à jour le 16 septembre 2021 à 15:47

DANS CE DOSSIER

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Burkina Faso – François Compaoré, mieux vaut tard que jamais

L’affaire date de vingt-trois ans et a rattrapé François Compaoré. Accusé d’avoir commandité l’assassinat, en décembre 1998, du journaliste Norbert Zongo, qui enquêtait lui-même sur les circonstances obscures de la mort de l’un de ses employés, le frère de l’ex-président burkinabè, 67 ans, va-t-il enfin s’expliquer sur sa responsabilité dans ce crime qui avait ébranlé le pays ?À LIRE« Wanted » : enquête sur les 20 Africains les plus recherchés
La décision rendue le 30 juillet par le Conseil d’État français, qui valide le décret d’extradition de François Compaoré vers Ouagadougou, laisse augurer un rebondissement en faveur de ceux qui réclament justice dans le dossier de la mort de Norbert Zongo et de trois de ses compagnons, classé en 2006 après un non-lieu et rouvert à la faveur de la chute de Blaise Compaoré.
SI NÉCESSAIRE, NOUS ACCOMPAGNERONS FRANÇOIS COMPAORÉ EN ZONE ROUGE
Pourtant, le combat est loin d’être terminé : les avocats de François Compaoré, les Français François-Henri Briard et Pierre-Olivier Sur, regrettant une décision qui expose leur client à des « risques de torture, de traitements inhumains et dégradants », ont aussitôt saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) « afin qu’elle fasse échec à l’extradition envisagée ». Le 6 août, la CEDH a annoncé avoir demandé à la France de suspendre l’extradition du Burkinabè en attendant qu’elle examine le dossier sur le fond. La Cour a toutefois insisté sur le fait que cette demande ne présageait pas « de ses décisions ultérieures sur la recevabilité ou sur le fond des affaires en question ».À LIREBurkina – Extradition de François Compaoré : le Conseil d’État donne son feu vert
Si les avocats de François Compaoré ont salué dans un communiqué une « décision indépendante et impartiale », le Burkinabè n’est donc pas tiré d’affaire. Fin juillet, il avait pris acte de la décision du Conseil d’État français, se déclarant « prêt à faire face, dans la dignité, l’honneur et avec responsabilité, à la justice burkinabè ». Me Pierre-Olivier Sur dénonçait quant à lui une « pression politique sur la justice en France dans cette affaire si particulière dans l’histoire des deux pays ». « C’est pourquoi nous avons saisi la Cour européenne, seule juridiction qui pourra statuer avec une juste distance dans ce dossier », ajoutait-il, avant de conclure : « Si nécessaire, nous accompagnerons François Compaoré en zone rouge pour nous assurer que les bonnes conditions d’incarcération et de jugement sont remplies. »
Nadoun CoulibalyÀ LIRELeïla Ben Ali, Komi Koutché, Chakib Khelil… Ces Africains recherchés pour corruption ou détournement (1/4)
RDC – John Numbi, un général très encombrant

Général quatre étoiles, puissant, influent et redouté, John Numbi, 59 ans, se voit aujourd’hui rattrapé par son passé. Depuis plusieurs mois, la justice tente de rouvrir le dossier du meurtre du défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya et de son chauffeur, Fidèle Bazana, assassinés le 1er juin 2010 alors qu’ils avaient rendez-vous au siège de la police congolaise, que Numbi dirigeait à l’époque.À LIRERDC : comment John Numbi a tenté de faire échouer les poursuites lancées contre lui
Après l’arrestation de nombreux membres du commando restés jusque-là cachés dans le Katanga, le fief de Numbi, le général congolais a finalement pris la fuite quelques jours avant la perquisition de sa ferme, en périphérie de Lubumbashi. Officiellement visé par un mandat d’arrêt daté du 14 avril et signé par l’auditeur général près la Haute Cour militaire, Likulia Bakumi Lucien René, Numbi doit « en cas de découverte » être appréhendé et traduit devant cette dernière.
PLUSIEURS SOURCES OFFICIELLES ASSURENT QU’IL SERAIT PASSÉ PAR LA ZAMBIE, FRONTALIÈRE DU KATANGA, AVANT DE REJOINDRE LE ZIMBABWE
Le problème, c’est qu’aucun membre des services de l’État ne semble savoir avec précision où se trouve aujourd’hui le général proche de Kabila. Si, du côté des services militaires du Katanga, on reste convaincu que John Numbi n’a pu fuir à temps que grâce à la complicité de ses réseaux au sein des forces de sécurité, sa destination reste incertaine. Plusieurs sources officielles assurent qu’il serait passé par la Zambie, frontalière du Katanga, avant de rejoindre le Zimbabwe, pays dont l’ancien chef de l’État est resté proche.À LIREGuillaume Soro, François Bozizé, Agbéyomé Kodjo… Ces Africains poursuivis pour tentative de putsch ou déstabilisation (2/4)
L’entourage du président congolais se refuse à parler d’éventuelles démarches entreprises pour retrouver le général, mais un intime du chef de l’État assure que la liberté de Numbi est « déjà réduite là où il est ».
Romain Gras
Mali – Karim Keïta, le « super trophée »

À Bamako, pour éviter la crispation des uns et l’ire des autres, mieux vaut ne pas prononcer le nom de Karim Keïta. Élu député en 2013 alors qu’il n’avait que 34 ans, puis nommé président de la Commission de défense de l’Assemblée nationale, son ascension fulgurante avait cristallisé les critiques dans la capitale malienne.À LIREKarim Keïta : ce qu’il faut savoir sur le fils du président malien
Le 18 août 2020, le coup d’État militaire qui entraîne la chute de son père, Ibrahim Boubacar Keïta, le fauche en plein vol. Ciblé par une partie de l’opinion, recherché par la junte, Karim Keïta se cache un temps puis, avec l’aide de son ami, le Premier ministre ivoirien décédé Hamed Bakayoko, il trouve refuge en Côte d’Ivoire. À 42 ans, il coule depuis des jours tranquilles entre la capitale économique ivoirienne et la très chic station balnéaire d’Assinie.
LES JUGES ESPÈRENT L’ENTENDRE DANS L’AFFAIRE BIRAMA TOURÉ, UN JOURNALISTE MYSTÉRIEUSEMENT DISPARU EN 2016
À l’autonome dernier, alors que le Mali était en pleine reconstruction politique, une photo de lui déjeunant sur la plage va faire polémique, au point que le président ivoirien Alassane Ouattara mandate Bakayoko pour demander à l’intéressé de se faire plus discret. Depuis, Karim Keïta a tout verrouillé autour de lui et trie plus que jamais ses fréquentations. Mais le 5 juillet dernier, le doyen des juges d’instruction du tribunal de la Commune IV de Bamako émet un mandat d’arrêt international contre lui. Les juges espèrent l’entendre dans l’affaire Birama Touré, un journaliste mystérieusement disparu en 2016, et qui aurait été détenu des mois durant dans une « prison secrète » de la Sécurité d’État.À LIREMali – Mandat d’arrêt contre Karim Keïta : que risque vraiment le fils d’IBK ?
Auprès de ses proches, Karim Keïta évoque un complot. « Il estime que l’affaire Birama Touré est un coup monté, confie à JA un ancien cadre du régime d’IBK qui a pu lui parler. Je pense qu’il va préparer sa riposte. Mais il serait imprudent pour lui de rentrer aujourd’hui, car il sait qu’il représente un super trophée pour les militaires au pouvoir. » « Est-il conscient d’avoir une part de responsabilité dans le mécontentement populaire qui a conduit à la chute de son père ? » s’interroge un homme politique resté en contact avec lui. Parmi ses proches, ils sont quelques-uns à penser que non.
IL A RENDU VISITE À SON PÈRE À ABOU DHABI OÙ CE DERNIER REÇOIT RÉGULIÈREMENT DES SOINS MÉDICAUX
Bien qu’en fuite, Karim Keïta n’a pas mis fin à ses déplacements. Ces derniers mois, il s’est rendu aux États-Unis et a même posé ses valises en France. Il a aussi rendu visite à son père à Abou Dhabi où ce dernier reçoit régulièrement des soins médicaux. S’il bénéficie de la protection des autorités d’Abidjan, il sait cependant qu’avec le mandat d’arrêt international lancé à son encontre, il doit à présent se montrer discret et organiser sa défense. Dans ce but, le fils d’IBK a engagé un tandem d’avocats expérimentés : le Français Marcel Ceccaldi et le Malien Kassoum Tapo.
Fatoumata Diallo
RDC – Kalev Mutond, maître espion en exil

Kalev Mutond affrontera-t-il un jour la justice congolaise ? L’ancien tout-puissant maître espion congolais, 64 ans, patron des renseignements pendant huit ans, est poursuivi par sept plaignants pour torture, arrestations arbitraires, menaces de mort et tentatives d’assassinat. S’il n’a comparu à aucune des audiences dans l’affaire le concernant, ni répondu à la moindre convocation de la justice, ce très proche de l’ancien président Joseph Kabila continue de suivre l’instruction de près. Convaincu qu’il s’agit d’un dossier politique, il a attaqué en retour l’ensemble des plaignants pour imputations dommageables, dénonciations calomnieuses et association de malfaiteurs.À LIRERDC : Kalev Mutond, l’ex-patron de l’ANR, de nouveau dans le viseur de la justice
Visé par un mandat d’amener et un avis de recherche émis le 11 mars dernier, l’ancien patron de la redoutée A