Obscurantisme : après Justine Kasa-Vubu, le cas Kwebe Kimpele !(Video en dessous du texte)

Nous devons condamner avec force ceux qui essayent toujours de souffler sur la braise alors que l’instabilité menace la survie même de notre nation.

Concernant la stigmatisation ethnique, René Lemarchand, anthropologue expert dans les questions des pays des Grands Lacs africains, avait écrit ceci :

« On ne sait jamais très bien où finit le plaidoyer et où commence l’analyse scientifique ; où se situe l’exhortation, la vindicte ou l’affirmation gratuite […] et où s’amorce le discours de l’historien-politiste »

Kwebe Kimpele vient de declarer sa guerre de “bantus” contre « les Nilotiques », alors que nous devrions tous rechercher la cohésion nationale afin de renverser la tendance à la balkanisation du pays. C’est sans ambages que Kwebe déclare que tous les malheurs de notre pays commencent en 1997 avec le renversement du régime Mobutu par les Nilotiques, et que l’entrée irréfléchie de notre pays dans la CAE (Communauté de l’Afrique de l’Est) ne serait due qu’à un complot des Nilotiques des pays de l’Afrique de l’Est contre la RDC, nation bantoue.

Les dirigeants actuels n’auraient donc aucune responsabilité dans la situation actuelle, qui ne serait qu’une conséquence de la guerre des Nilotiques contre les Bantus. L’instabilité de notre pays ne serait due qu’aux autres !

Pourquoi ces Nilotiques ne déstabilisent-ils pas les autres pays de la région (Kenya, Ouganda, Tanzanie) – qui ont aussi des populations bantu – mais seulement la RDC ? Par ailleurs, monsieur Kwebe connaît-il le sens courant du mot du mot « Nilotique » ?

L’acception de « Nilotique » par Kwebe Kimpele est raciste et anachronique. Certes, le terme « Nilotique » était jadis utilisé (au XIXe siècle) dans la classification des ethnies, sur la base de la morphologie (traits ou ressemblances physiques) des individus. Or, depuis le XXe, siècle cette classification raciste a été rejetée au profit des ressemblances linguistiques ou culturelles, devenues les seules caractéristiques utilisées dans la classification des ethnies. Nous sommes déjà au XXIe siècle et Kwebe s’accroche encore à une définition raciste à l’origine de violences très sanglantes.

Dans l’acception courante, les habitants de la vallée du Nil et de ses environs sont effectivement des Nilotiques, du fait de leur culture ; il en existe en RDC, au nord-est du pays (     ). Mais les Tutsis parlant le Kinyarwanda, une langue bantu, sont donc des Bantus, comme les Hutus et les Bashi et les Waregas, les Kongo, les Lubas, etc. Ils ne sont pas des Nilotiques !

Dans son costume d’ancien propagandiste du régime Mobutu de triste mémoire, Kwebe continue de semer confusion après confusion pour attaquer ceux qui ne sont pas de la ligne mobutiste. Ainsi, il osa qualifier Lumumba lui-même – et les Batetela – de « Nilotique », Tutsi rwandais, afin de soutenir qu’il ne pouvait être le père de l’indépendance du Congo. Et ce, en se basant sur les traits physiques du jeune Patrice Lumumba en 1952.

Nous ne cesserons jamais de le répéter : les difficultés actuelles de notre pays découlent de la faiblesse de l’État. Il faut favoriser le bon fonctionnement de l’État et éviter d’exacerber les forces centrifuges dues aux contradictions entre les ethnies. En 1957, Patrice Lumumba recommandait déjà aux élites de considérer comme tâche prioritaire « la liquidation des antagonismes ethniques […] »

Le jour de l’indépendance, dans son discours pour marquer la naissance de la nation, Lumumba disait : « Je vous demande à tous d’oublier les querelles tribales qui nous épuisent et risquent de nous faire mépriser à l’étranger. » 

Patrice Lumumba ne l’a pas seulement dit. Il a essayé de son mieux d’appliquer ce qu’il prêchait ; et ce, comme l’avait écrit feu le Pr. Luc de Heusch, […]

Quand l’État rwandais nous attaque, il ne faut pas voir une ethnie, mais une puissance étatique. Par ailleurs, au lieu de faire croire à un complot international des Nilotiques contre la RDC « bantue », il faut considérer l’entrée de la RDC dans la CAE comme une mauvaise décision prise par le premier responsable de l’État (un Bantu) qui ne comprend rien au fonctionnement de l’économie d’un pays et n’a pas jugé utile de consulter au préalable ses conseillers. Car, avant de considérer des visées politiques ou sécuritaires, les objectifs économiques sont les premiers facteurs pouvant justifier l’entrée d’un État dans une communauté économique.

Croyances dépassées, racisme patent et absence de rationalité caractérisent cette nouvelle sortie de la mouvance obscurantiste de notre pays, qui mérite d’être consolidé et sauvé de la balkanisation rampante, plutôt que d’être noyé dans de telles inepties.

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