En RDC, Vital Kamerhe prendra-t-il le perchoir pour un tremplin ?

Candidat unique à la présidence de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe s’apprête à retrouver un poste qu’il a déjà occupé sous Joseph Kabila. Aujourd’hui allié de Félix Tshisekedi, il pourrait rapidement utiliser cette position pour servir de plus hautes ambitions.

Vital Kamerhe, au stade des Martyrs à Kinshasa, le 29 avril 2023. © Arsene Mpiana / AFP
Vital Kamerhe, au stade des Martyrs à Kinshasa, le 29 avril 2023. © Arsene Mpiana / AFP

Publié le 14 mai 2024Lecture : 5 minutes.

Médite-t-il vraiment les mystères du Rosaire ? En tout cas, depuis l’épisode de sa détention en 2020, Vital Kamerhe ne se sépare plus de son chapelet lors des grandes cérémonies publiques en RDC. Le Congolais le portait encore ce lundi 13 mai au Palais du peuple, alors qu’il déposait sa candidature pour le poste de président de l’Assemblée nationale, dont l’élection est prévue le 18 mai.

Le 23 avril, il avait remporté des primaires inédites organisées au sein de l’Union sacrée, la plateforme politique de soutien au président Félix Tshisekedi, avec 182 voix sur 372 votants, devançant ainsi ses deux concurrents : le président sortant de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, (113 voix) et son collègue du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo, (69 voix).

Kamerhe, « Kaméléon » ou « Mwalimu » ?

Candidat unique à ce poste – alors qu’au moins deux candidats concourent pour les six autres postes du bureau de l’Assemblée –, Vital Kamerhe a promis le 13 mai, après le dépôt de sa candidature, que « le peuple congolais sera correctement représenté dans cette salle [hémicycle du Palais du peuple] qui sera un véritable temple de la démocratie ».

Le leader de l’Union pour la nation congolaise (UNC) va ainsi retrouver un fauteuil qu’il avait occupé entre 2006 et 2009 sous Joseph Kabila. Il redeviendra ainsi la deuxième personnalité du pays. Est-il finalement là où il devait être ? Peu sont ceux qui auraient parié le revoir au sommet après sa condamnation à vingt ans de prison dans une affaire de détournement de fonds publics en juin 2020.

Stoïque, le politicien aura passé deux ans en détention avant de retrouver la liberté et d’être acquitté. Il a donc su faire le dos rond, s’adaptant au contexte politique du moment, au point que ses détracteurs le surnomment de façon péjorative « Kaméléon ». Pour ses admirateurs, il serait plutôt un « Mwalimu » (un maître, en swahili). Un fin stratège donc.

Alliances et désillusions, de Genève à Nairobi

Il faut dire qu’au cours de ces deux dernières décennies, la trajectoire de Vital Kamerhe n’a pas été linéaire. Directeur de campagne de Joseph Kabila en 2006, il est le secrétaire général du parti au pouvoir de l’époque – le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) – et devient, après les élections générales de 2006, président de l’Assemblée nationale. Déjà.

Trois ans plus tard, il s’oppose toutefois à une opération conjointe entre les armées congolaise et rwandaise dans l’est du pays, tombe en disgrâce et passe à l’opposition. Lors de la présidentielle de 2011, il se présente et termine troisième, loin derrière Joseph Kabila et Étienne Tshisekedi. Il tente à nouveau sa chance en 2018.A lire : 

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En l’absence de Joseph Kabila, qui ne peut se présenter en raison de la limitation des mandats, et après le décès d’Étienne Tshisekedi, Vital Kamerhe croit en sa bonne étoile. Mais il échoue à être désigné candidat de l’opposition. Lors des pourparlers de Genève, en Suisse, le choix est porté sur Martin Fayulu. Kamerhe choisit de retirer sa signature, tout comme Félix Tshisekedi.

Les deux se retrouvent à Nairobi, au Kenya, et signent un accord de coalition. Kamerhe accepte de s’effacer en faveur de Félix Tshisekedi, avec la promesse qu’il deviendra son Premier ministre si celui-ci est élu. Le fameux accord de Nairobi prévoit également que les rôles s’inverseront cinq ans plus tard, lors de la présidentielle suivante. Mais il ne sera pas appliqué.

Ambitions contrariées

Félix Tshisekedi est élu lors de la présidentielle de 2018 mais Vital Kamerhe n’obtiendra pas le poste de Premier ministre. Celui-ci est confié au Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila, qui détient la majorité parlementaire. « VK » doit se contenter d’un « simple » poste de directeur de cabinet du chef de l’État, de 2019 à 2020.

Malgré ses déboires judiciaires, il reste ensuite fidèle au président Tshisekedi, qu’il se garde d’attaquer frontalement, se limitant à critiquer les « électrons libres » gravitant autour du chef de l’État. Libéré, il ne se fait pas d’illusion quant aux accords de Nairobi, selon lesquels le chef de l’État devait s’effacer à son profit pour la présidentielle 2023. Il soutient la candidature du sortant pour un second mandat.

Vital Kamerhe est passé à autre chose : il prépare son parti, l’UNC, pour les législatives. Bien lui en a pris. Actuellement, sa formation politique s’affiche comme la deuxième force politique à l’Assemblée nationale, derrière l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, au pouvoir). Est-ce le moment de reprendre son ascension vers le sommet ?

Depuis les primaires pour le poste de président de l’Assemblée, Vital Kamerhe n’a eu de cesse de clamer sa loyauté envers Félix Tshisekedi. À l’en croire, le président l’avait choisi pour ce poste dès le mois de février. Mais, au sein de la majorité, les choses semblent loin d’être aussi claires et les résultats des primaires sont loin d’avoir été un plébiscite.

Contre une modification de la Constitution ?

Certains, au sein de la majorité, craignent que Vital Kamerhe se serve de sa nouvelle position comme un tremplin pour ses ambitions présidentielles en 2028. « Ne pas le voir se servir de cette fonction stratégique, qu’il a déjà occupée dans le passé et dont il s’est déjà servi pour défier son ancien mentor, à savoir le président Kabila, serait une erreur », explique le chercheur Yvon Muya.

Dès lors, la gestion des débats au sein de l’Assemblée nationale sera scrutée de près. « Vital pourrait avant tout saisir cette opportunité pour améliorer son image fortement abîmée, notamment en raison du procès des 100 jours ayant abouti à sa condamnation. Il aura à cœur de se racheter aux yeux de l’opinion et de se forger à nouveau une image d’homme de synthèse et de modération », poursuit-il.A lire : 

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Surtout, comment choisira-t-il de gérer ses ambitions politiques et de s’ouvrir le chemin de la présidence de la République ? En demeurant loyal à l’actuel président, en espérant s’imposer comme un successeur désigné ? Ou en rompant avec ce dernier pour basculer, une fois de plus, dans l’opposition ? L’éventuelle réforme constitutionnelle à venir pourrait l’obliger à choisir.

En effet, l’option d’une modification de la Constitution refait surface depuis le voyage de Félix Tshisekedi en Europe, entre fin avril et début mai. Le chef de l’État a promis de mettre en place une commission sur le sujet, mais ses opposants l’accusent déjà de vouloir se réserver la possibilité d’un nouveau mandat. Et certains d’entre eux voient Vital Kamerhe comme un rempart idéal face à cette ambition présumée.

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