Denis Kalume ambassadeur à Moscou, Kinshasa joue la carte du défi

  • 22 juin 2018
  • Hubert Leclercq

Denis Kalume ambassadeur à Moscou, Kinshasa joue la carte du défi

Valentin Matungul, diplomate chevronné, formé dans les services de sécurité de Mobutu, va devoir quitter Moscou un peu plus vite que prévu. Kinshasa a décidé de remplacer cet homme, notamment jugé trop proche du cardinal Laurent Monsengwo, par l’ancien général Denis Kalume.

Depuis quelques semaines, Kinshasa tente a tout pris de se rapprocher de la Russie qui, elle, semble avoir retrouvé le goût de l’Afrique. Elle vient en effet d’envoyer deux cents militaires en République centrafricaine, tandis que son ministe des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov, proche parmi les proches du président Vladimir Poutine, était à Kigali récemment.

Dans ce ballet diplomatique, Kinshasa a dû se contenter du vice-ministre des Affaires, M. Bogdanoff. Pourtant, le rendez-vous était de taille, et présenté comme tel par le pouvoir en place à Kinshasa, il s’agissait de rendre effectif un accord de coopération militaire et technique entre les deux pays. Un texte qui dormait dans les tiroirs depuis 19 ans sans être appliqué et qui a été adopté en toute hâte à l’Assemblée nationale. Cet accord prévoit la livraison par la Russie d’armements, de matériels de guerre « et autres équipements spécifiques », des « missions de conseils », ou encore la formation de spécialistes militaires dans les écoles russes.

Un accord qui pourrait permettre à Mocou d’entrer par la grande porte dans le secteur congolais des mines mais aussi dans l’énergies et l’agriculture.

Pour Kinshasa, ce rapprochement avec Moscou, c’est aussi une manière de tenter de fractionner le conseil de sécurité des Nations Unies. La Russie, avec son siège permanent, dispose d’un droit de veto qui pourrait faire les affaires de Kinshasa dans la perspective d’éventuel projet de résolution contre le régime en place en RDC. A six mois d’un scrutin présidentiel sous haute tension et alors que les pays de la région et certains Etats occidentaux tentent de mettre la pression sur Kinshasa pour obtenir des élections libres, démocratiques, inclusives et sans la présence du président hors mandat Joseph Kabila, ce rapprochement subit avec Moscou suscite bien des interrogations.

« Il est évident que la Russie connaît le potentiel économique de la RDC », explique un banquier kinois. « Tout le monde le connaît. On a vu jusqu’ici qu’il n’y avait personne au Conseil de sécurité pour défendre la cause du pouvoir de Kabila. Moscou pourrait être une bonne pêche pour Kinshasa, mais les Russes ne viendront pas pour quelques roubles. S’ils aident la Kabilie, c’est qu’ils ont des garanties que ça va leur rapporter gros », conclut notre banquier.

« Les Russes à Kinshasa? Un jeu risqué »

« L’état du pouvoir à Kinshasa n’est vraiment pas brillant », poursuit un historien, expert de la région. « Le soutien de la Russie, avec son poids au Conseil de sécurité de l’Onu, peut évidemment être utile à la RDC », explique-t-il. « Moscou peut aussi se dire qu’en prenant pied à Kinshasa, il ferait un solide pied de nez à l’histoire. N’oublions pas que le Congo, et ensuite le Zaïre, a toujours été une terre amie des Etats-Unis. Ce serait une sorte de revanche pour Moscou. Mais, justement, je ne suis pas certain que Washington, même en cette période de repli sous la présidence Trump,  acceptera de voir débarquer les Russes à Kinshasa. C’est un jeu très risqué ».

En 1999, quand l’accord, qui vient d’être ratifié par l’Assemblée nationale, avait été signé par le Mzee Laurent-Désiré Kabila, le texte avait d’ailleurs déjà été perçu comme « un accord de défi », rappelle notre historien.

En 1999 comme en 2018, le pouvoir en place à Kinshasa se sent lâché par les Occidentaux. Dans les deux cas, le rapporchement avec Moscou se fait sur le dos de cet isolement. En 2001, déposé sur le siège présidentiel après l’assassinat de son père, Joseph Kabila avait été adoubé par ces puissances occidentales… il avait donc enterré ce projet d’accord pour ne pas vexer ses nouveaux amis. Dix-sept ans plus tard, retour au point de départ et réapparition de cet accord…

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