SOCIÉTÉ
Martin Bakole, le vrai-faux combat de boxe et les 100 000 dollars en cash
Star internationale des poids super-lourds, le Congolais Martin Bakole a-t-il menti pour obtenir le soutien financier des autorités de RDC ? Il s’en défend, mais se retrouve au cœur d’une vive polémique.
17 février 2023 à 08:13
Mis à jour le 17 février 2023 à 08:13

C’est une histoire improbable, une de celles dont la RDC a le secret et qui a pour principal protagoniste Martin Bakole, tombeur de Tony Yoka, le champion olympique 2016, sur le ring de l’Accor Arena le 14 mai 2022 à Paris. Considéré comme l’un des meilleurs boxeurs de la catégorie super-lourds, Martin Bakole est devenu en quelques années une véritable star en RDC.À LIREFélix Tshisekedi est-il toujours roi en son fief ?
Natif de Kananga, dans l’actuel Kasaï-Central, le colosse d’1m98 peut se vanter d’avoir disputé 19 combats professionnels, et d’en avoir gagné 18. Ancien chauffeur de taxi-moto arrivé à Kinshasa alors qu’il n’avait que 16 ans, frère cadet de Junior Ilunga Makabu, lui-même champion du monde des poids lourds-légers, Martin Bakole s’est véritablement fait connaître en décembre 2020 en remportant, à 28 ans, la ceinture World Boxing Council (WBC) des supers-lourds, surclassant le Russe Sergey Kuzmin. Et depuis sa victoire contre Tony Yoka, les portes du ministère des Sports lui étaient ouvertes, celles de la présidence aussi.
Émoi à Kinshasa
Alors, lorsque le 11 février il publie une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux dans laquelle, tantôt dépité tantôt menaçant, il se plaint de n’avoir pas reçu d’aide du gouvernement, ce qui risque – dit-il – de compromettre l’organisation d’un combat prévu en mars en Grande-Bretagne, c’est l’émoi à Kinshasa.
Quelques jours plus tard, les autorités congolaises font le nécessaire. Ce 15 février, sous les objectifs des caméras, Martin Bakole reçoit 100 000 dollars, en espèces. « Le Premier ministre a mobilisé les ministres concernés », résume à JA un membre du gouvernement. Le boxeur confirme alors que le combat aura bien lieu. Le versement tardif de l’argent « ne sera pas une excuse », promet-il.À LIREÀ Mbuji-Mayi, dans le Kasaï-Oriental, diamants, gros coups et nostalgie
Problème : le fameux combat, dont Bakole assurait qu’il devait se tenir le 4 mars à Londres et qu’il l’opposerait à l’Américain Michael Hunter, n’est officiellement annoncé nulle part. Même le site internet de ceux qui organisent habituellement les combats du Congolais n’en fait pas mention. Dans un article daté du 8 février, publié sur le site de Boxxer, il est simplement précisé que « Bakole, qui est maintenant basé à Airdrie, en Écosse, aura très bientôt des nouvelles de son prochain adversaire ».
Michael Hunter, lui, a démenti les rumeurs de combat. Contacté par Jeune Afrique, un membre du staff de Martin Bakole parle pour sa part d’une rencontre reportée sine die. Alors où se trouve la vérité ? L’enfant de Kananga a-t-il menti à toute la République ?
« Est-ce que je ne mérite pas les 100 000 dollars ? »
Faisant escale à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, le 16 février, le boxeur a tenté de se défendre, affirmant dans un live diffusé sur Facebook que s’il n’affrontait pas Hunter, c’est parce que l’Américain « avait été déclassé » et qu’on lui cherchait un nouvel adversaire.
« Depuis que j’ai gagné [contre] Yoka, tout le monde m’évite », a-t-il poursuivi, bravache. Insistant sur le fait que le président congolais, Félix Tshisekedi, lui avait promis son aide, il a ajouté : « Est-ce que je ne mérite pas les 100 000 dollars ou le soutien du gouvernement ? »
À Kinshasa comme à Rome, la roche Tarpeiénne est proche du Capitole. Hier adulé, Martin Bakole est aujourd’hui la cible de toutes les critiques. Et sur les réseaux sociaux, où l’on n’avait déjà guère apprécié qu’il menace de changer de nationalité si on ne l’aidait pas, on ne se prive pas de faire remarquer que 100 000 dollars en espèces, c’est bien plus que les 10 000 dollars de retrait qu’autorise la réglementation bancaire en RDC.
« J’ai demandé à être payé par voie bancaire, mais ils l’ont fait en cash et devant caméra pour tout politiser, s’est encore défendu le boxeur le 16 février. Président Tshisekedi, ils ne t’aiment pas ces gens-là ! »