Constitution en RDC : la valse-hésitation de Jean-Pierre Bemba

Le vice-Premier ministre et membre éminent de l’Union sacrée s’est exprimé sur l’opportunité d’une modification de la Constitution congolaise. Il s’est d’abord dit favorable à une révision, avant que son parti n’ouvre la voie à un changement.

Jean-Pierre Bemba, vice-Premier ministre de la RDC. © Alexis Huguet / AFP
Jean-Pierre Bemba, vice-Premier ministre de la RDC. © Alexis Huguet / AFP

Publié le 5 décembre 2024Lecture : 3 minutes.

Jour 1. Invité de la radio Top Congo FM, mercredi 4 décembre, Jean-Pierre Bemba se dit favorable à une simple « révision » de la Constitution en RDC. « Pour l’instant, on parle de révision. Qui a parlé de changement ? », déclare-t-il en faisant mine d’ignorer le débat en cours sur l’opportunité d’un changement de loi fondamentale. Jean-Pierre Bemba accepterait ainsi de discuter d’une révision au sein d’une commission d’experts qui doit voir le jour au début de l’année 2025.

Il se dit prêt à soutenir une réforme de l’article 10 de la loi fondamentale, qui établit à l’heure actuelle l’exclusion de la double nationalité. Il cite également les articles 13 et 51 sur la protection des minorités, qui, selon lui, n’existent pas en RDC, car il y aurait trop de groupes ethniques (plus de 450) pour définir une minorité ; mais aussi l’article 198 sur la nomination des gouverneurs provinciaux et des sénateurs qui ne sont pas soumis au suffrage direct.

Jour 2. Un communiqué du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, en date du 5 décembre, dit réitérer son « soutien total à l’initiative du président de la République visant à la révision/le changement » de la Constitution. Changement de ton, donc, au MLC, après les propos sans équivoque de Jean-Pierre Bemba la veille. « Après discussions internes, il a été décidé de laisser clairement la porte ouverte aux deux options [révision ou changement] », explique un interlocuteur du MLC.

Le parti de Bemba se rapproche du chemin tracé par Augustin Kabuya, le secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti présidentiel. Ce dernier fait activement campagne pour le changement, et en a même fait « une question de vie ou de mort. » Le chef de l’État, Félix Tshisekedi, n’exclut pas cette option. « Si cela est nécessaire, nous consulterons le peuple congolais pour qu’il décide de lui-même, s’il doit s’arrêter à la révision ou carrément aller au changement de la Constitution », a-t-il récemment déclaré à Lubumbashi.

Le soutien initial de Bemba à une révision plutôt qu’au changement de Constitution n’a pas été apprécié en haut lieu. « On leur a tout donné et ils ne veulent pas suivre la voie tracée par le président de la République. Ils vont voir ! », avait mis en garde une source proche de la présidence à la suite de l’interview de Jean-Pierre Bemba.

« Tshisekedi ne veut pas s’accrocher au pouvoir »

L’actuel ministre des Transports, qui dit parler avec le président de tous ces sujets, s’était pourtant initialement démarqué de Félix Tshisekedi. Il ne reprenait pas à son compte l’argumentaire qui dénonce l’article 117 sur l’abandon d’une partie de la souveraineté pour favoriser la construction de l’unité africaine. Jean-Pierre Bemba prenait également ses distances avec les déclarations du chef de l’État, qui voit dans la Constitution « le fruit d’intelligences venues de l’étranger pour maintenir la RDC dans un état fragile ». « Non, ce n’était pas un diktat [de l’étranger] », avait contredit Jean-Pierre Bemba, qui évoquait simplement l’aide d’experts internationaux.

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Un pied dedans, un pied dehors, Jean-Pierre Bemba pensait sûrement faire preuve de bonne volonté en assurant vouloir participer au débat sur la Constitution sans appeler à son changement. « Laissons cette commission être mise en place », appelait-il de ses vœux. Le vice-Premier ministre disait même ne pas voir le risque d’un maintien au pouvoir de Félix Tshisekedi à la faveur d’un changement de Constitution. « Ce n’est pas quelqu’un qui veut s’accrocher au pouvoir », assurait Jean-Pierre Bemba, qui ajoutait : « Je connais sa pensée. »

Celle de Jean-Pierre Bemba sur la Constitution est désormais connue, même si son parti a ensuite rectifié ses propos. Elle rejoint celle de Christophe Mboso et d’Augustin Kabuya au sein du présidium des Six. Jean-Michel Sama Lukonde, président du Sénat, soutient un examen de la Constitution par la commission d’experts sans se prononcer sur son avenir. Restent Modeste Bahati Lukwebo et Vital Kamerhe, le président de l’Assemblée nationale, qui n’ont pas encore exprimé leur préférence. Augustin Kabuya prépare une réunion de l’Union sacrée pour harmoniser les prises de position sur le sujet, selon nos informations.

Après la prise de parole de Jean-Pierre Bemba, la pression devrait se déporter sur ces deux membres du présidium, dont les réactions sont attendues. S’ils s’opposaient à la révision, la coalition gouvernementale pourrait en effet voler en éclat. « Nous devons tout faire pour continuer à faire exister l’Union sacrée », a plaidé Jean-Pierre Bemba sur Top Congo FM.

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